Il aura donc fallu attendre son cinquième opus pour que j’ouvre un roman de Paul Colize. Comme je l’ai déjà dit, j’avais croisé sa prose au travers de nouvelles en ligne, accessibles facilement. Je l’avais croisée avec un certain plaisir tellement les textes de Colize donnent l’impression d’une simplicité, d’une complicité, qui doit sans doute beaucoup au travail.
Entrer dans l’univers de Paul Colize par les nouvelles peut d’ailleurs être une bonne idée. Lisibles en ligne pour certaines, elles ont été éditées pour d’autres et nous donnent à voir ce qu’il nous offre. Des personnages savoureux, dont on sent qu’il a pris un certain plaisir à les croquer, des histoires où l’on perd pied tout comme ces fameux personnages. Je pense, par exemple, au recueil Fenêtres sur court qu’il a commis avec d’autres et qui est paru en 2007 chez MMS, nouvelle étape de son parcours éditorial.
Prisant plus particulièrement les romans, je vais reprendre le fil de l’évocation de son œuvre avec le suivant, paru également chez MMS en 2007. Sun Tower m’est apparu comme un exercice de style, élégant, certes, mais ressemblant à un jeu. Une récréation, peut-être, pour Paul Colize qui venait de commettre Quatre valets et une dame et avait sûrement besoin de s’éloigner un peu d’une certaine noirceur et d’aller se reposer sous le soleil, monégasque pourquoi pas. Comme entrée dans son univers romanesque, ce fut un plaisir mitigé, comme je l’ai dit ailleurs, le plaisir de découvrir un auteur intéressant pas le biais d’une œuvre légère…
Voici ce que j’écrivais justement :
“Voilà un roman qui me laisse une impression en demi-teinte. L’impression de passer à côté de quelque chose ou, en tout cas, de n’avoir pu le savourer pleinement, à sa juste valeur.
Je l’avais feuilleté dès qu’il avait atterri chez moi et à la lecture des premières pages, je m’étais dit que cela laissait présager de bons moments. Je l’avais mis de côté, poursuivant ma lecture du moment.
Sa lecture m’a finalement laissé une impression différente de celle que j’attendais.
C’est une histoire classique, un type qui se retrouve embringué dans une aventure qui le dépasse. Bousculé, il se démène tant bien que mal pour s’en sortir. Une sombre histoire de meurtre dans le milieu de la haute finance, des grosses holdings et des grands patrons. On l’a lu cent fois, ou du moins en a-t-on l’impression. Le parcours semble balisé, bien balisé, bien maîtrisé. Les rebondissements sont là, la dose de méchanceté, de roublardise et de naïveté. Tout y est, on a l’impression d’être dans un de ces brillants thrillers états-uniens, avec son pesant de clins d’œil vers Hitchcock (c’est peut-être Monaco qui m’y a fait penser le plus).
Mais il n’y a pas que ça dans ce roman. C’est mon premier Colize (en dehors des nouvelles que l’on peut lire sur le site ou le forum) et j’ai découvert un ton particulièrement plaisant. Le sourire vous quitte rarement à la lecture de ses pages, même quand l’intrigue se fait plus sérieuse. Il y a de petites perles disséminées ici et là (chaque personnage d’abord décrit pas sa taille, l’hyperhydrose du personnage central, les conseils de son patron qu’il se remémore régulièrement). Des personnages que l’on jurerait avoir déjà croisé, ici ou là, sur ce forum même (passion du cinéma, passion de percer pour la jeune journaliste). Un recul qui donne toute sa saveur au bouquin. On ne s’ennuie pas, on parcourt tout ça avec légèreté.
L’impression de demi-teinte, mitigée, est sans doute due au fait qu’avec ce ton, ce style, on se prend à imaginer ce que pourrait donner une histoire moins balisée, plus surprenante…
Je le répéte, Sun Tower est un livre que l’on prend plaisir à lire, une entrée en matière qui donne envie de lire d’autres Colize.”
Après cette première lecture, j’attendais le roman suivant. Le ton, le style, m’avaient plu, c’est souvent suffisant pour revenir vers un auteur. Et j’y suis revenu. Avec d’autant plus de
plaisir que cette fois, son ton léger se mariait à une histoire beaucoup plus sérieuse, sombre… proche de pas mal d’auteurs que je prise. Paul Colize avait décidé de s’attaquer à un fait divers, de s’en inspirer pour nous offrir une histoire prenante. Un fait divers qui avait connu deux vagues et dont Colize imagine la troisième.
Avec cette troisième vague, parue en 2009, il s’agit une nouvelle fois d’un thriller, genre dans lequel il s’ébat avec une certaine élégance. Mais un thriller marqué par des tueries qui ont ébranlées le royaume d’où nous vient Colize.
Nous suivons Vassili qui, pour la mémoire d’un ami, va s’improviser enquêteur et frôler plus d’une fois la correctionnelle ou pire. Nous tournons les pages à un rythme soutenu, poussés ou tirés par l’envie de connaître la suite et la fin.
Cette fois, j’ai eu la sensation que le style, le ton, et le sujet se mariaient plutôt pas mal pour nous donner une œuvre dont on peut se souvenir…
L’édition est, de plus, étoffée d’un dossier bien documenté venant compléter, étayer, la variation autour d’un fait divers que nous propose Paul Colize. J’en ai également parlé là.
C’est aussi une nouvelle étape dans le parcours de Colize avec un nouvel éditeur, la petite fabrique de polar que sont les éditions Krakoën l’accueille en son sein.
Comme nous le voyons en parcourant l’œuvre de Paul Colize, il est en constante évolution, nous proposant à chaque fois un roman différent, un nouveau point de vue sur ses centres d’intérêt, ses préoccupations.
Avec Le baiser de l’ombre, il confirme cette volonté, cette envie de changer. Et de partager.
Nous retrouvons à l’occasion de ce septième roman un personnage que certains de ses lecteurs avaient déjà rencontré, Antoine Lagarde, celui de Quatre valets et une dame. Il va de nouveau se trouver embarqué dans une intrigue rocambolesque aux multiples rebondissements. Et nous allons le suivre avec plaisir… D’autant plus de plaisir qu’avec ce roman m’est apparu plus clairement l’un des aspects majeurs de l’œuvre de Colize, son intérêt pour la documentation. Le travail que j’évoquais plus haut quant au style est également très présent dans cette volonté de ne pas raconter n’importe quoi, de s’imprégner des lieux et des sujets évoqués. Avec Paul Colize, vous apprenez en vous distrayant. Avec Le baiser… vous connaîtrez un peu mieux Klimt, vous pourrez briller dans les dîners en ville. Ou, comme pour moi, vous pourrez passer un bon moment tout en satisfaisant votre curiosité.
Curiosité qui n’est pas le moindre défaut de Lagarde. Au final, Colize tout en nous dépaysant et nous offrant un bon bol de suspens, d’aventures, nous présente les bons et les mauvais côtés de cette curiosité.
J’en ai aussi parlé par ici.
Depuis 2010 et Le baiser de l’ombre, Paul Colize a accordé à ses fidèles sur le tard une séance de rattrapage en publiant une nouvelle version de Quatre valets et une dame. Antoine Lagarde dans ses premières aventures, cette fois intitulées Le valet de cœur.
C’est un retour en arrière mais un retour intéressant puisqu’il nous permet de connaître un peu mieux ce Lagarde si sympathique, si rassurant, avec tous ces défauts qui le rendent si proche de nous.
Alors que pour le baiser, il se laissait entraîner par sa curiosité à la suite de la mort du père de sa maîtresse du moment, nous le suivons cette fois alors que son propre père vient de décéder. Il se méfie de sa curiosité et se débat avant tout avec sa propre histoire, histoire qui le poussera malgré lui à se pencher sérieusement sur le passé de son paternel.
C’est encore une fois une lecture agréable, avec des héros particulièrement bien vus, bien décrits, si familiers ou pouvant le devenir. Des héros si intéressants qu’on en deviendrait gourmand et que je me suis pris à regretter que Colize ne se soit pas attardé autant sur chacun, notamment sur Janice, qu’il ne l’a fait pour Antoine. Avec cet auteur, on en veut toujours plus.
Le valet de cœur est, à ce jour, le dernier roman de Paul Colize, le troisième paru aux éditions Krakoën. Après l’auto-édition des premiers, il a intégré un circuit plus classique… Et ce n’est pas fini puisque le prochain Colize est annoncé aux éditions de la Manufacture de livres. Un auteur en évolution permanente, exigeant pour nous offrir un roman différent à chaque fois et qui évolue aussi dans son parcours éditorial. Quand je vous disais qu’il ne pouvait que nous intéresser.