Je ne savais pas comment le dire, mon titre est peut-être un peu grandiloquent, improbable, mais voilà ce dont il s’agit quand on ouvre 1Q84, la dernière œuvre en date de l’écrivain japonais. Dernière œuvre en date au titre imprononçable. A l’intrigue singulière, comme toujours.
1Q84, donc, roman ayant connu un succès énorme à sa sortie au Japon en 2009 et qui nous arrive précédé de ce succès et de bien des commentaires. Pour le replacer dans le travail de l’auteur, il s’agit d’un de ces romans qu’il appelle roman synthèse, comparable à Kafka sur le rivage, Les chroniques de l’oiseau à ressort ou encore, peut-être, La fin des temps. Un roman tellement total qu’il sera publié en trois volumes, trois parties dont deux viennent de paraître de ce côté-ci de la planète.
Le livre 1 se déroule d’avril à juin. Nous suivons alternativement Tengo et Aomamé dans leurs pérégrinations, leurs occupations personnelles, professionnelles ou autres. Chacun des deux a un métier et s’est engagé dans une activité en parallèle. Tout commence avec Aomamé bloquée dans un taxi au milieu d’un embouteillage, une musique passe à la radio et le chauffeur lui donne un conseil si elle est pressée. Après quelques hésitations, elle accepte la proposition et emprunte une échelle de sortie destinée aux services d’entretien… Tengo est professeur de mathématiques et écrivain à ses temps perdus, un écrivain n’ayant jamais été publié. Il va également accepter une proposition, celle de son éditeur. Il va accepter de réécrire le roman d’une jeune fille de dix-sept ans.
Sans qu’ils le sachent, leur monde va basculer. Et Murakami nous décrit ce changement qui se niche d’abord dans des petits riens, quelques détails…
Nous sommes, une fois encore avec cet auteur, à la limite. La limite entre le monde tel que nous le connaissons et un monde qui pourrait être. Cette limite, cette frontière, son franchissement, se manifestent dans des petits détails, des observations qui pourraient être insignifiantes mais vont se révéler pleines de sens.
Et Murakami nous entraîne à sa suite et à la suite de ses personnages dans ce monde qui pourrait être le nôtre.
Le livre 2 de 1Q84 se déroule de juillet à septembre. Et la dérive continue. Lente, à peine perceptible, ou inéluctable, accomplie.
Tengo et Aomamé poursuivent leur évolution, approfondissent leur questionnement et continuent à être entraînés dans ce monde dont ils ont à peine conscience. Dont ils doutent. Ils continuent à être entrainés dans cette histoire, cette intrigue dont ils ne sont que des éléments.
Tengo revient sur son passé, Aomamé ne peut que se repencher dessus tant ce qu’elle vit le ravive. Leurs pensées se rapprochent, ils se souviennent l’un de l’autre de manière de plus en plus prégnante. Je n’en dirai pas plus pour ne pas déflorer l’intrigue à ceux qui n’ont pas ouvert le premier livre.
Murakami, sans en avoir l’air, comme à son habitude, avec un style tout à l’économie, tout en simplicité, nous emporte, nous force à tourner les pages sans que nous soyons dans un livre à suspens. Il y a peut-être, quand même, du thriller chez lui. Ou un certain pouvoir peu ordinaire. Toujours est-il qu’il fascine, qu’il nous fascine et nous fait avancer.
On ressort différent de la lecture d’un de ses livres. Notre vision du monde change grâce à lui. Petit à petit.
Il ne nous reste plus qu’à patienter quelques mois avant la conclusion de cette trilogie… pour nous qui ne lisons pas le japonais.
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