Après trois romans réussis tournant autour de la politique, autour des seconds rôles, des seconds couteaux qui permettent aux premiers d’exister, d’exercer, Oppel a persisté dans cette voie avec ses deux fictions suivantes. Les deux dernières en date du côté des adultes…
En 2006, le romancier apporte sa plume pour ajouter une pierre à l’édifice d’une collection naissante, la “suite noire” des éditions La Branche. Une série qui revisite les grands titres des grands anciens et dans laquelle Oppel ne pouvait pas ne pas être.
C’est un titre de Manchette, l’un de ses auteurs de chevet, qu’il décide de parodier, dont il décide de s’inspirer pour commettre son propre roman. La position du tireur couché devient La déposition du tireur caché. L’écrivain nous propose une nouvelle aventure au pays de la magouille et des règlements de compte sans trop de scrupule. Règlements de compte au-dessus des lois parce que commandités par des personnes qui se croient d’une importance indiscutable…
Une nouvelle fois, Oppel dénonce et exploite les affaires qui ont frappé les milieux politico-financiers. On pourrait penser à une affaire Boulin au pays de la haute finance, celle qui ne s’embarrasse pas de morale, celle qui fraie avec les politiques comme les truands…
Cette affaire arrive sous nos yeux quand elle a déjà occupé le devant de la scène sans trouver d’épilogue du côté de la marée-chaussée. Nous allons parcourir les différents documents composant un courrier envoyé au commissaire chargé de l’enquête. Une lettre, des dossiers confidentiels et un enregistrement lui sont adressés pour l’aider à faire la lumière sur l’exécution et, en même temps, punir des commanditaires peu respectueux des usages en cours. Nous lisons les confessions d’un tueur à gage qui pourrait être celui que nous avons croisé dans Cartago, un pendant masculin de la Canine de Canine et Gunn ou encore l’équivalent professionnel du personnage central de Chaton : trilogie.
C’est une récréation que nous offre Oppel, une récréation réussie. Un livre pas vraiment commis en passant, même pour ce qui pourrait s’apparenter à un jeu, Oppel nous offre un ouvrage écrit avec sérieux, respect pour ses lecteurs. Un respect synonyme de plaisir partagé.
L’année suivante arrive sur les gondoles le dernier roman en date du romancier.
Réveillez le Président ! propose un nouvel angle dans l’approche du pouvoir politique. Après avoir exploré le monde de ceux qui sont chargés de permettre au pouvoir d’agir avec une certaine sérénité, sans la peur de l’attentat ou de l’assassinat, après avoir exploré celui de la collusion entre politique et finance et les dommages collatéraux que ce genre d’alliance provoque, après avoir étudié ou imaginé les magouilles, les stratégies (pour être plus correct), utilisées pour accéder au pouvoir ou s’y accrocher, Oppel se laisse aller à imaginer ce que ce pouvoir peut avoir d’inquiétant, de dangereux… Ce que les technologies, autres alliés des hautes sphères, peuvent représenter d’angoissant quand une confiance trop grande leur est faite.
Nous sommes dans un roman de politique-fiction qui remet en cause certains processus planifiés au sommet de l’Etat. Certains processus en place et difficilement discutables, étroitement reliés à la défense du pays… La guerre est peut-être trop sérieuse pour être confiée à des militaires mais doit-elle autant reposer sur le silicium et ses avatars, sur les microprocesseurs et leurs connexions ? Est-ce sans risque ?
C’est une évolution de la société, désormais tributaire de réseaux et de technologies complexes, que le romancier pointe du doigt. Et pour mieux étayer son discours, le rendre plus percutant, il imagine un bug (ou bogue) au plus haut niveau de l’Etat, un dysfonctionnement qui pourrait avoir des conséquences dévastatrices… Un bug d’une machine couplé à celui d’un chef d’Etat et la communication n’existe plus entre les différents niveaux de décisions militaires… Les conséquences peuvent en être dévastatrices depuis que l’Homme s’est doté d’armes pouvant détruire ou sérieusement endommagé la planète.
C’est une réflexion, un sujet que nous avons déjà entendu, une sorte de War Games (le film de John Badham) littéraire et français. Mais c’est une nouvelle fois une occasion pour Oppel de coupler à son discours une histoire prenante, un thriller efficace.
Le thriller étant le genre vers lequel il semble de plus en plus tendre…
On peut trouver ce roman parfois très (trop) technique, comme le sont la plupart des intrigues se penchant sur de tels sujets, avec descriptions précises des armes, des forces en présence. Mais d’autres traits viennent contrebalancer cette impression comme les petites phrases que chaque personnage s’autorise à un moment ou un autre sur le chef de l’Etat, affirmant qu’il n’est plus le même depuis tel ou tel événement. Oppel nous offre ainsi une liste non exhaustive de ce qui aurait pu changer le Président, des échecs qu’il a dû affronter régulièrement. Il nous offre aussi une liste des différents bugs qui auraient pu mener à une troisième guerre mondiale, une guerre nucléaire à la conclusion guère réjouissante.
Depuis 2007, Oppel se fait désirer. Son prochain roman est sûrement en cours ou achevé… peut-être qu’il a nécessité plusieurs réécritures, toujours est-il que notre impatience monte…
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