Après quelques années sans publier, depuis 2007, Jean-Hugues Oppel revient avec un roman, Vostok, édité directement en poche dans la collection “rivages/noirs”. Après la politique et ses dessous peu reluisants, après le roman noir et le polar, l’écrivain commet un roman qui pose la question de l’exploitation des ressources naturelles. Une fable écologique en quelque sorte. Une fable grinçante et actuelle.
Tanya Lawrence, chargée par un service de l’ONU d’observer les conditions de travail à travers le monde, débarque à la Colonie. La Colonie est le nom donné aux bâtiments implantés par Metal-IK pour loger ses employés travaillant à la gestion de l’exploitation des mines de “terres rares” en territoire Awasati. Un territoire enclavé d’Afrique, non-rattaché à ses voisins et, de ce fait, pouvant être saigné, vidé, sans scrupule. Les terres rares, ces minéraux non-ferreux composants de nos téléphones, tablettes, éoliennes, et autre, constituent une production hautement stratégique et concurrentielle. Oppel imagine une concurrence à la Chine qui possède un quasi-monopole dans le domaine.
Lawrence débarque dans un microcosme constitué de personnes isolées, travaillant là en attendant des jours meilleurs ou en ayant déjà connu et ne pouvant plus que s’aigrir sous une certaine nostalgie. Lawrence débarque au milieu de cadres chargés de surveiller les conditions météorologiques et tout autre paramètre pouvant influer sur la production… Elle débarque dans une fournaise climatique tempérée par les climatisations, escortée dans chacun de ses déplacements par un employé de Metal-IK ayant pas mal roulé sa bosse, Tony Donizzi. Ces deux-là vont s’entendre pour ne pas la laisser être manipulée par la direction, pour lui permettre une certaine autonomie de déplacement, d’exploration… Elle va ainsi pouvoir approcher les awas, peuplade autochtone, observer des baleines échouées sur les plages environnantes.
Alors qu’elle est perçue comme une menace par ceux qui l’accueillent en raison du rapport qu’elle est chargée de rédiger à leur sujet, perçue comme une fouineuse et du même coup en danger, Lawrence va sentir petit à petit une autre menace planant sur ce coin de terre. Une autre menace pour les habitants que l’exploitation dans les mines de précieuses terres rares.
Le ton de Jean-Hugues Oppel est toujours aussi plaisant, ironique, épicé d’une certaine culture contemporaine. Ton plaisant qui rend la lecture agréable.
Ton plaisant pour une intrigue qui oscille entre deux sujets, tout aussi politiques. Les relations entre les instances internationales chargées de préserver un certain respect de l’homme et les multinationales mues uniquement par l’appât du gain d’un côté et de l’autre ce que la nature peut réserver à l’homme même le plus présomptueux.
Comme dans ses romans précédents, Oppel ne tente pas de débusquer un sujet brûlant, de faire un scoop. Il s’intéresse à un problème dont tout le monde a conscience, une conséquence de cette société que l’homme a façonnée et avance sur un terrain glissant, qui pourrait s’apparenter à un enfonçage de portes ouvertes. Ça n’est pas le cas puisqu’il y injecte de la fiction, des personnages aux prises avec leurs propres problèmes. On se prend pourtant à s’interroger, au long de la lecture du roman, ce qu’il aurait pu être si Oppel avait choisi entre les deux sujets évoqués plus haut, se donnant alors l’opportunité de l’approfondir…
Jean-Hugues Oppel nous est revenu après une longue absence, reprenant l’intrigue d’un roman de science-fiction jamais publié. On espère que ce retour n’a rien d’éphémère et qu’il arpentera rapidement de nouveaux terrains de fiction ou de plus anciens déjà foulés.
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