En 2008, Bartelt continue d’écumer les éditeurs. C’est cette fois aux Editions La Branche qu’il commet et publie un nouveau court roman, Nadada. Comme pour Oppel et la même maison, il s’agit d’un hommage, au moins dans le titre, à Jean-Patrick Manchette et, pour cette fois, son Nada.
Dans ce livre typique de Bartelt, on suit Moncheval. Ce dernier s’est mis en tête d’écrire un bouquin et, pour mettre toutes les chances de son côté, il mène une investigation. Auprès d’autres piliers de bar, il s’informe de ce que ça peut vouloir dire écrire un bouquin, qu’est-il nécessaire pour parvenir à pondre un best-seller. Car s’il veut écrire un bouquin, c’est pour se faire du fric et, il en est sûr, la littérature peut permettre de s’en faire un paquet. Dans le même temps, en parallèle, Moncheval nous raconte l’histoire de Moncheval menant une enquête sur le tueur en série qui sévit dans la ville, l’histoire qu’il aimerait tant écrire… Deux investigations pour un roman savoureux.
Les personnages sont, comme toujours chez l’écrivain, particulièrement réussis, on imagine son appétit à observer et à nous livrer le fruit de cette observation, mâtinée d’une dose d’imagination. Comment un de ces personnages comme on en croise souvent pourrait-il devenir le personnage d’une intrigue romanesque ? C’est sans doute la question que doit souvent se poser le romancier. Tremper la réalité dans la fiction, mélanger, en ne lâchant rien de la réalité ou de la fiction… On obtient chez Bartelt des situations loufoques, décalées, avec des personnages tellement proches de ceux que l’on voit tous les jours qu’on ne pouvait, jusque là, pas les imaginer dans une de ces fictions que l’on aime…
Le tout est assaisonné de maximes, de ces pensées qui décrivent le monde et le mettent en boîte en quelques mots. De ses pensées profondes qui ont pour principal attrait de nous faire sourire tellement elles sont péremptoires, définitives et décalées, vues d’un point de vue si particulier qu’il transpire de lui-même de la phrase… De ces phrases dont il suffit d’un rien, l’ajout de quelques mots, pour en détourner le sens, en faire un autre aphorisme.
Vous l’aurez compris, c’est un Bartelt pur jus, si l’on peut dire, un de ces bouquins plongeant ou plongés résolument dans l’univers original de l’écrivain.
En 2010, l’année suivant la parution d’un recueil de textes intitulé Petit éloge de la vie de tous les jours faisant partie d’une série commandée à différents auteurs, ce sont les éditions Finitude qui publie le nouveau roman de l’écrivain, Je ne sais pas parler.
Dans ce texte, les pensées d’un écrivain se succèdent, nous sont donner à lire, pour nous expliquer pourquoi cet écrivain ne sait pas parler. C’est un monologue qui vient à la suite d’une invitation à un entretien que l’écrivain, le personnage central du livre, celui qui écrit à la première personne, n’a pu refuser, lui qui parvenait toujours à éviter cet exercice.
Le temps fuit, le moment fatidique approche et l’angoisse monte dans la gorge du personnage principal.
Nous sommes de nouveau confrontés aux pensées d’un homme, un homme pétri de certitudes, se connaissant et connaissant les autres. A sa manière. Un homme démuni, qui ne sait plus comment faire face à la réalité. Comment affronter les autres. Il va donc imaginer les stratagèmes possibles pour vaincre l’épreuve…
C’est un texte simple, direct, que nous propose Bartelt. Un de ces textes dont il a le secret, un de ces textes qui, sous couvert d’évoquer un cas très particulier, finit par nous parler à nous, nous toucher…
La même année paraît le texte suivant de l’écrivain, une novella éditée par les éditions de l’atelier in8, dans la collection Polaroïd dirigée par Marc Villard, Parures.
L’histoire nous est racontée à la première personne par un enfant devenu grand. Il nous décrit son quartier, un quartier d’immeubles, de pauvreté, un quartier d’où l’on jette les ordures par la fenêtre… Son plus grand souvenir est celui d’un incendie, celui de l’église, un spectacle pour tout le voisinage. Il revient ensuite sur son enfance, une enfance difficile parce qu’il n’était pas à sa place, il était comme un mouton noir.
Cette histoire, comme une confidence, est celle des relations entre le narrateur et sa mère. De ses relations et des conséquences sur son existence de tous les jours. Sa mère s’est, en effet, passionnée pour les habits, les modes et a tout fait pour que son fils soit paré des plus beaux atours. Elle a sacrifié leur budget à cette folie. Le fils était une poupée qu’elle habillait au mieux, dont l’apparence était sa seule préoccupation…
Seulement, l’apparence, dans un tel quartier, a ses exigences. Un gamin se doit d’être sale, ses habits se doivent d’être élimés, rapiécés. Ils vont l’apprendre à leur dépend. Le môme en premier, victime des brimades de ses camarades, d’une mise en quarantaine des enseignants.
Et puis, la mère… Elle ne vit que pour habiller son enfant, toute son existence est rythmée par cette folie, cette passion, qui en vaut bien d’autres. Mais c’est une passion déplacée et l’assistante sociale va se charger de lui faire comprendre. A partir de cet instant, de la mise sous surveillance des allocations données par la mairie, la mère perd pied…
Bartelt, à travers la description de cette famille, épingle une société qui ne tolère pas les écarts, les excentriques, les singularités. Quel que soit l’endroit, il faut se conformer à son environnement…
C’est, comme souvent chez l’auteur, une histoire qui, sous couvert de décalage, de bizarrerie, nous amène à nous poser des questions sur ce monde qui nous entoure et dans lequel nous vivons. Il nous en propose une vision acide. Posant le doigt sur ses travers… Par forcément ceux des individus mais aussi ceux des groupes qui ne raisonnent plus, qui suivent des habitudes sans plus jamais s’interroger.
Avec ces trois textes, Bartelt observe ses contemporains et cette société qu’ils ont créée et qui est loin d’être parfaite. Qui ne prend plus en compte l’individu et ses particularités. Il faut se fondre dans la masse pour avancer sans être montré du doigt. Ecrire ne peut être envisagé par le premier venu, il y a des codes à respecter. Quand un livre est écrit, il convient de communiquer et de maîtriser cette société de communication. Et, quelque soit l’endroit où l’on vit, il faut se conformer aux us et coutumes, sous peine de s’isoler, de perdre sa place…
Bartelt continue dans ses livres suivants à nous montrer la société telle qu’il la voit, cruelle, comique. Parce qu’il vaut mieux en rire… jaune ou noir.