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Don Winslow, Neal Carey de Londres à Hong-Kong

En 1991, paraît le premier roman de Don Winslow, A cool breeze on the underground. En traversant l’Atlantique, il deviendra, quatre ans plus tard, Cirque à Picadilly.

C’est la première mission de Neal Carey qui nous est racontée. Notre première rencontre avec le personnage.

Neal est étudiant et voit la progression de ses études stoppée par un appel. Un appel de P’pa alors que Diane, sa fiancée, croyait qu’il n’avait pas connu son père. Mais la vérité n’est pas si simple et Neal ne sait pas comment s’en Cirque à Picadilly (Gallimard, 1991)dépêtrer. Par contre, ce qu’il sait faire, c’est le détective privé. Détective privé pour une agence particulière, celle des Amis de la Famille. Emanation d’une banque réputée de la Nouvelle-Angleterre, celle de la famille Kitteredge à Providence, Rhode Island. Neal part toutes affaires cessantes pour Londres, dernier endroit où l’on a vu Allie, la fille du sénateur Chase, en passe d’être candidat à la vice-présidence… Il part en laissant en plan ses études, un partiel l’attendait le lendemain, et sa copine, Diane.

Don Winslow nous raconte en parallèle les années d’apprentissage de Neal Carey sous la férule de Joe Graham, depuis qu’il est gamin, et la recherche à laquelle il s’attèle, celle de cette fille de bonne famille ayant fugué et vraisemblablement sombré dans la drogue et la prostitution.

C’est un roman particulièrement plaisant que nous offre l’écrivain pour ses débuts. Lui qui a été tour à tour détective, guide pour safari, enseignant, journaliste, agent de sécurité, nous offre quelques personnages hauts en couleur proches de ses différentes activités précédentes.

Neal déambule dans Londres, autour de Picadilly comme nous l’annonce le titre français, et nous en propose un aperçu à la fois touristique et sans fard. Il croise des collectionneurs et d’autres personnages remarquables, il croise également des punks et ce qui pourrait s’apparenter aux bas-fonds d’autrefois. Les bas-fonds du titre original, sur lesquels va souffler une douce brise. Son histoire, contée dans le même temps, est également remarquable, l’apprentissage d’un gamin des rues dont les dons vont lui permettre de grimper les échelons, de s’affirmer et de découvrir la littérature, particulièrement celle du XVIIIème en Grande-Bretagne, et notamment Tobias Smollett.

Neal est sorti d’une existence compliquée et sa mission précédente l’a également marqué. Un échec qu’il supporte difficilement… Un échec qui le pousse à mener cette mission d’une manière pas complètement conventionnelle. A la mener pas complètement en adéquation avec ce que ses supérieurs attendent de lui.

C’est une histoire pleine de rebondissements, violente, où il est difficile d’être sûr de la réalité, une histoire de manipulation en même temps que l’histoire savoureuse d’un apprentissage et de la découverte par un gamin d’un univers que nous avons croisé à maintes reprises. Un gamin dont les premières lectures seront Dickens, Oliver Twist, Les grandes espérances, David Copperfield, tout un programme.

Le ton de Don Winslow est agréable, allié à une manière de mener l’intrigue à sa guise, de jouer avec certains poncifs, de s’en affranchir.

Il y a plein de promesses dans ce premier bouquin que le romancier se chargera de tenir dans les romans suivants. A commencer par la suite des aventures de ce détective privé original qu’est Neal Carey. Etudiant-détective, décidé à achever son mémoire sur Tobias Smollett, détective sensible près à succomber aux charmes des femmes qu’il croise et à enfreindre certaines règles quand sa morale est trop malmenée.

L’année suivante paraît The trail to Buddha’s mirror qui deviendra Le miroir de Bouddha chez nous, une fois traduit par Philippe Loubat-Delranc, comme le précédent.

En cette année 1977 (je ne m’étais pas posé la question lors de la première aventure de quand se situait l’histoire, la réponse est là, dès le début de ce deuxième opus), Neal Carey s’est isolé, ainsi que le lui avaient demandé ses chefs des “amis de la famille”, à la suite de sa mission précédente. Sept mois d’isolement qui lui ont permis d’avancer dans son mémoire et l’étude de Tobias Smollett. Sept mois d’isolement dans la petite baraque qu’il avait découverte lors de son Le miroir de Bouddha (Gallimard, 1992)voyage en Angleterre…

Et c’est là que P’pa vient le chercher. Ça ne pouvait pas durer. Neal doit reprendre l’université et avant ça, régler une petite affaire pour les “amis de la famille”. Joe Graham a bravé l’avion pour le ramener vers la société et lui expliquer sa prochaine mission, faire revenir dans son entreprise Robert Pendleton, biochimiste, qui roucoule depuis six semaines dans les bras d’une certaine Lila, rencontrées lors d’un séminaire à San Francisco, Californie.

Ça ne sera, bien sûr, pas si simple que ça en avait l’air sur le papier ou dans la bouche de Graham. De San Francisco, Neal va voler jusqu’à Hong-Kong et être pris en étau entre les espions de son pays et ceux de la Chine Populaire. Les aventures se succèdent, les rebondissements également, Neal parcourt la ville épaulé par Ben Chin (ou est-ce Chen ou Chang ? Le personnage change de nom d’une ligne à l’autre. Pas un effet de l’auteur, plutôt un oubli dans la relecture) dont l’organisation est tout aussi secrète que celles des poursuivants du héro. Un héro brinquebalé entre les pays qui s’affrontent, les organisations et ses propres sentiments… notamment vis-à-vis de Li Lan.

Une nouvelle fois, Neal Carey doit affronter ses sentiments, sa morale et celles des personnes qui l’emploient ou le manipulent. “Le miroir de Bouddha” et le chemin, celui du titre original, qui y mène semblent sans mystère, un tableau découvert dès les premières pages porte ce nom… Mais le miroir de Bouddha va se révéler différent, plus riche, et le chemin qui y mène beaucoup plus ardu, exigeant. Neal y perdra pas mal, en ressortira éprouvé, cassé mais les années qui suivent, celles annoncées par le final, seront sans doute paisibles et reposantes. Un retour sur soi, un isolement, dont Carey est friand. A l’image de ce qu’il avait déjà connu à la fin de sa première aventure.

La construction du roman est plus simple que celle du premier, pas de retour en arrière vers les années d’apprentissage, juste l’alternance des points de vue des personnages. On retrouve à nouveau cette envie d’approfondir son sujet, de la part de Winslow ; il glisse de vrais morceaux d’histoire dans son intrigue, l’histoire de la Chine Populaire en l’occurrence. De la Chine Populaire et de ses différentes phases politiques, des luttes internes pour le pouvoir et leurs conséquences sur la population. Les sentiments des personnages sont à fleur de peau, les scrupules manquent à certains et tout cela donne une intrigue prenante. Avec un personnage central ballotté au cœur de son temps par les soubresauts de volontés qui ont apporté tant de souffrances…

Neal Carey devra toutefois redescendre de ses hauteurs, quitter son havre de recueillement, pour vivre sa mission suivante. Celle dont je vous parlerai prochainement.

5 réflexions sur “Don Winslow, Neal Carey de Londres à Hong-Kong

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