En 2011, paraît aux Etats-Unis The killer is dying de James Sallis. Il est publié quatre ans après le précédent, Salt River et nous arrive deux ans plus tard, l’année dernière, traduit par Christophe Mercier et Jeanne Guyon sous le titre, somme toute logique, Le tueur se meurt. Venant enrichir une bibliographie plus importante que celle que son éditeur cite, Sallis n’ayant pas été édité seulement chez Rivages mais également par Gallimard.
Le roman s’ouvre sur le réveil d’un personnage. Il lui faut un peu de temps pour savoir où il est, lui qui a dormi dans tant d’endroits différents, qui a tant écumé. Il lui faut du temps pour se retrouver, savoir où il est et quand il est, une recherche du temps perdu au XXIème siècle. Chrétien est dans un motel bas de gamme à Phoenix, Arizona. Il guette un homme depuis quelques jours. Chrétien est sous contrat. Mais il est également vieillissant, sous cachets, et ses souvenirs affluent, occupant son esprit autant que ce contrat sur lequel il devrait fixer toute son attention.
“Pendant si longtemps, le temps n’avait eu pour lui aucune signification, un jour était comme un autre, les années à peine plus qu’un chaos de saisons qui passent. Maintenant, le temps se solidifiait autour de lui.”
Jimmie se réveille en pleine nuit. Pour ne pas perdre ces minutes d’éveil, il règle quelques factures. Jimmie est seul dans sa maison, sans son père ni sa mère, un enfant tentant de survivre grâce aux moyens qui lui sont offerts et qui lui permettent de donner le change, Internet et son commerce notamment.
Sayles est flic. Sa femme n’est pas au mieux mais il n’en parle pas, même pas avec son coéquipier, Graves. Il travaille, passe ses journées à enquêter, rentre chez lui pour prendre soin de cette épouse qui ne parvient plus à s’adapter au monde…
Trois solitudes à Phoenix, Arizona.
Trois solitudes naviguant entre rêve et réalité. Les songes des trois personnages les accompagnent, les troublent, nécessitent un réajustement permanent pour ne pas les éloigner de la réalité. Les songes les relient, proposant la réalité des autres parfois, comme une passerelle entre eux.
La Toile, celle sur laquelle nous naviguons, celle qui vous permet de lire cette chronique, est également un élément important. Pour le commerce de Jimmie et celui de Chrétien, pour les recherches de Sayles et de Graves. Un lien qui devrait exister également dans la réalité…
James Sallis nous décrit ses personnages, leur réalité, leurs pensées, dans un style ciselé, précis, fluide et simple. Il nous captive, nous tient, avec des petits riens, dans des vies finalement banales, même si les trois personnages sont en marge. Chacun à sa manière. En marge pour mieux souligner la réalité d’une société dans laquelle il est difficile de s’y retrouver. De s’intégrer. Une société qui crée ces solitudes. Et les souffrances qui vont avec.
“… pour bien des gens, la souffrance est comme la faim, […] on en parle souvent, mais […] on la ressent rarement, si même on la ressent jamais.”
James Sallis nous décrit ces personnages en marge en insistant sur leur humanité, leurs questionnements, en cherchant comment nous en sommes arrivés là. Faisant parler une blogueuse et glissant sous ces doigts quelques maximes ou sentences obsédant ses personnages.
“Vous êtes coincés, prisonniers de votre langage, otages de votre obsession de comprendre.
Les théories mènent votre monde, et elles vont le détruire.”
C’est un roman marquant, d’une grande qualité, dans lequel on retrouve les thèmes chers au romancier, ceux qui avaient notamment parcouru la série ayant Lew Griffin comme personnage prépondérant. Notre rapport au temps, notre rapport au monde…
La même année, un peu plus tard, James Sallis renoue avec son héro sans nom, le Chauffeur de Drive.