En 1957, David Goodis voit son seizième roman publié, Fire in the Flesh. Il paraît l’année suivante en France, traduit par Alain Glatigny pour la “série noire”, sous le titre de L’allumette facile. Une traduction rapide qui permet de maintenir chez nous le rythme des parutions de l’auteur.
Une femme court dans la nuit, tentant de garder son avance sur la police. D’une ruelle, elle débouche dans un terrain vague où gisent des carcasses de voiture. Elle se dirige vers l’une d’elle et y trouve celui qu’elle cherchait, Rif, de son vrai nom, Andrew Landon Rainey. Rif n’est pas en état, particulièrement imbibé, assommé au muscat, sa boisson de prédilection. Cora doit le traîner, le tirer, le soutenir, pour l’emmener à l’abri des forces de l’ordre qui ne tardent pas à débarquer dans le cimetière de voitures. Elle l’amène jusqu’à son appartement, un lieu qu’il connait pour y venir de temps à autre quand son cœur ou celui de Cora lui en dit. Mais ce soir, la situation est tout autre… Un incendie s’est déclaré dans le garage de Lew Dagget, cinq personnes y ont péri. Dont Lew Dagget. Rif est connu pour sa passion à allumer des feux un peu partout, il est également de notoriété publique qu’un différend l’a opposé récemment à Dagget, ce dernier lui a lancé un marteau au visage alors qu’il s’apprêtait à gratter une allumette pour incendier une poubelle du garage… Rif est d’autant plus dans de sales draps qu’il ne se souvient de rien. Impossible de se rappeler ce qu’il a fait de sa nuit.
Cora et Rif en sont là quand des coups sont frappés à la porte de l’appartement de la jeune femme. Rif s’échappe juste à temps mais il parvient à entendre celui qui s’invite chez Cora. C’est Clem’ Dagget, le frère de feu le garagiste. Il est également à la recherche du pyromane. Mais il n’est pas du même côté de la loi que ses autres poursuivants. L’affaire se corse.
Rif fuit d’un endroit à l’autre, d’un refuge à l’autre, cherchant à comprendre, à se remémorer. Les personnes qu’il croise au cours de son odyssée nocturne font remonter des souvenirs oubliés. Des souvenirs qui tissent des liens avec la victime… Clem’ Dagget luttant contre son frère, se battant avec lui, quand Cora avait tenté de les séparer. Lew Dagget emmenant Leila, la belle-fille de son pote de beuverie, Burt Pomfret, alors qu’elle n’avait que dix ans… Les souvenirs remontent mais la situation ne gagne pas en clarté.
Rif est un homme connaissant les mêmes doutes qu’un autre personnage de Goodis, James Vanning de Nightfall, des doutes sur sa culpabilité. Un homme hanté par une scène qui n’est pas sans rappeler l’ouverture de Rue barbare. Un homme qui doute, qui doit vivre avec un sentiment de culpabilité permanent, comme nombre de personnages du romancier, Hart de Vendredi 13, par exemple. Et, à l’instar de ses derniers romans, Goodis privilégie la voix intérieure du personnage, un monologue à la première personne, pour nous raconter les réflexions de Rif.
C’est une fuite permanente qui rapproche Rif du danger, un peu plus à chaque pas, à chaque étape. Et au fur et à mesure, Rif s’approche de ses propres difficultés, de quelques vérités… Les uns après les autres chacun vit un moment décisif qui va changer sa vie, lui faire prendre les rails auxquels elle semblait prédestinée.
Du roman noir, du Goodis, sans conteste, sans doute pas l’un de ses plus marquants, contrairement au précédent, Tirez sur le pianiste !, pas l’un des plus remarquables, mais un roman qui se lit avec plaisir, qui s’inscrit parfaitement dans une œuvre aux thèmes récurrents. L’intrigue et le style faisant bon ménage, un style simple, direct.
Il faudra attendre quatre ans pour lire le roman suivant, Ceux de la nuit.
Pingback: David Goodis, Eddie et le piano | Moeurs Noires
Pingback: David Goodis, Corey, flic et malfrat | Moeurs Noires