Toujours avec la même régularité, l’aventure annuelle, la septième, de Resnick s’intitule en 1995 Living Proof. Toujours dans le même délai, elle nous parvient cinq ans plus tard, traduite par Jean-Paul Gratias sous le titre Preuve vivante.
Un homme court au milieu de la rue, complètement nu à l’exception d’une chaussette. Il court, comme en fuite, presque par automatisme. Tombe, se relève. Un dimanche, au petit matin. Lorsque Resnick en est informé, l’homme a été hospitalisé, sa vie n’est pas en danger, malgré les plaies qu’il a sur le corps, a priori dues à des coups de couteaux. Une affaire qui pourrait n’être que fait divers, mais pour la police de Nottingham, elle a une autre importance, puisque ça n’est pas le premier homme à être trouvé dans cet état. Pour que l’opinion ne s’emballe pas, il faut que le ou les coupables de ses agressions sur des clients de prostituées soient arrêtés.
Dans le même temps, Charlie Resnick est convoqué par son supérieur, le commissaire Skelton, pour une mission particulière. Le festival du roman policier de la ville qui va débuter a besoin de l’aide de la police. En effet, des lettres de menace ont été envoyées à Cathy Jordan, l’auteure à succès, la principale invitée. Resnick approche un milieu qu’il ne connaît pas…
Alors que les enquêtes se déroulent, prenant de l’ampleur, connaissant quelques rebondissements, la vie de l’équipe de l’inspecteur Resnick, à la police criminelle, poursuit son chemin. Millington apparaît davantage comme le second de l’inspecteur. Divine, Naylor et Kellogg, sont sur le terrain. Contrairement au premier drame qui avait frappé l’équipe dans Off Minor, celui qui a pris place dans le précédent, Lumière froide, continue de peser sur ses différents membres. Et plus particulièrement sur Kellogg et Resnick. Cette intrigue secondaire prend de l’importance au fur et à mesure que les questions se font plus prégnantes… à travers les rendez-vous chez la psychiatre, les remarques d’une amie perdue de vue et retrouvée. Le malaise grandit, un malaise dû principalement aux non-dits.
Mais le boulot accapare, un meurtre et des agressions à répétitions prennent le dessus.
Harvey poursuit sa description d’un groupe de personnes, enrichit les relations de l’équipe que nous suivons depuis quelques temps maintenant. Il continue de recentrer les questionnements sur Resnick, son inspecteur principal, si adroit à comprendre les ressorts des motivations humaines quand il ne s’agit pas de lui. Si incapable d’accepter ce qui le concerne, si emprunt d’incertitudes…
Le romancier s’amuse aussi à confronter son univers romanesque à celui qu’il connaît, celui des auteurs de romans policiers. Qu’il ne dénigre pas. Il ne s’amuse pas, comme d’autres l’on fait avant lui, à insister sur les libertés que prennent les écrivains avec la réalité de terrain, celle de la vraie vie. Au contraire, on suit un Resnick curieux de découvrir cet univers. Intéressé par la lecture même des romans de celle qu’il doit protéger. Quelques invités apparaissent, dont Ian Rankin, l’écossais, le créateur de John Rebus… Harvey s’amuse principalement à opposer deux figures de la littérature policière, Cathy Jordan, la romancière états-unienne aux intrigues violentes, et Dorothy Birdwell, tenante d’une certaine tradition anglaise où le crime n’est là que pour permettre de titiller les cellules grises.
Les “preuves vivantes” se multiplient sous nos yeux, celles qui concernent Cathy Jordan, comme celles qui concernent la série en cours contre les clients de prostituées.
C’est à la fois riche et léger. Et Resnick prend, pour moi, résolument le rôle principal, les membres de son équipe confirmant qu’ils sont des personnages secondaires… Mais nous n’en avons pas fini avec eux…
L’année suivante, toujours au même rythme, donc, paraît Proie facile.
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