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John Harvey, Sloane sur les traces de Connie

En 2001, trois ans après le dernier (momentanément) Resnick, Derniers sacrements, John Harvey revient avec un nouveau roman, In a true light. Il nous arrive trois ans plus tard, sous la plume d’une nouvelle traductrice, Mathilde Marin. Il nous arrive peu de temps avant la traduction du dernier (momentanément) opus de la série Resnick, les aléas de l’édition, et s’intitule Couleur franche. Harvey ne rompt pas complètement avec la série précédente en donnant le rôle central à un personnage croisé auparavant, il s’agit de Sloane, brillant faussaire de toiles de maîtres peu renommés, rencontré dans Eau dormante.

Sloane, la soixantaine, sort de deux ans d’incarcération, condamné pour escroquerie, il s’est toujours refusé à accuser son commanditaire, Parsons, celui que la police voulait faire tomber en l’arrêtant. Sloane sort de prison et traverse Londres, passant de Couleur franche (Payot & Rivages, 2001)sud au nord, du quartier qu’il avait adopté à celui où il avait grandi et qu’il avait regagné finalement. A son retour, il constate que son appartement et atelier a été saccagé, squatté… Avec l’aide du nouveau patron du bistrot du coin, il remet en état son chez lui et tombe, dans le courrier qui s’est accumulé pendant son absence, sur une lettre de Jane Graham, son amour de jeunesse, son grand amour, celui dont il se souvient encore et qu’il se remémore à l’occasion. Jane est mourante et veut le voir pour lui confier quelque chose. Artiste peintre reconnue, elle s’est installée en Toscane avec sa compagne, Valentina, une sculptrice. Après un face-à-face avec Parsons, à qui il a demandé de payer ses dettes, Sloane s’envole pour l’Italie.

Dans le même temps, à New York, une chanteuse de bar sort de celui-ci pour s’engouffrer dans une limousine sous les yeux de son compagnon, Vincent Delaney. La chanteuse, Diane, rejoint son amant, Kenneth Baldry, puis rentre à l’appartement de Delaney, qui l’attend alors qu’il était censé être en déplacement et lui fait comprendre qu’il sait son infidélité avant de la battre violemment.

En Italie, Sloane apprend que peu de temps après leur séparation, il n’avait que dix-neuf ans, Diane est partie pour Paris dans l’idée d’avorter. Elle était enceinte. Ayant renoncé à son projet, elle a donné naissance à une fille qu’elle a élevée seule… Sloane découvre sa paternité alors que son premier amour agonise. Il promet à Jane de tenter de retrouver Connie, cette fille de quarante-deux ans, qui a coupé les ponts avec sa mère et chante aux Etats-Unis, une chanteuse de bar…

Après un rapide passage par Londres, le temps de croiser deux flics qui aimeraient le voir dénoncer son commanditaire, Sloane s’envole pour New York alors que le corps de Diane vient d’être découvert sur le bord d’une autoroute, l’enquête devenant celle de Catherine Vargas, bientôt associées à John Cherry.

Le décor est planté, deux histoires, deux progressions en parallèle. Deux histoires, deux intrigues qui vont bientôt ne plus l’être, parallèles, puisque deux chanteuses de bar y sont impliquées et que Delaney représente un lien entre elles…

Mais l’intérêt du roman ne réside pas que dans ces deux enquêtes, elle se niche aussi dans les souvenirs de Sloane. En revenant à New York, lui, qui toute sa vie s’est partagé entre les deux côtés de l’Atlantique, arpente ses souvenirs. Il les arpente d’autant plus que ces souvenirs sont liés à Jane et qu’il recherche sa fille… Il repense à ces années où il s’est approché de la jeunesse artistique du pays, de cette jeunesse qui allait prendre sa place, s’affirmer, dans les courants artistiques en vogue et contribuer à leur évolution. Ses pensées le ramènent à ces années où il a vu la création en marche, lui qui n’a jamais su y trouver sa place, ces moments où il a vu Jane en plein travail, peignant, notamment cette toile désormais accrochée au MoMA, le musée d’art moderne de New York.

Il y a une grande liberté dans ce livre, une liberté qui s’étire au grès des pensées de Sloane de ses souvenirs, une liberté qui nous trimballe des années actuelles à celles qui ont vu l’école de New York en plein essor, l’expressionnisme abstrait…

Dans le même temps, le suspens monte nous tient aussi en haleine. En effet, en mêlant deux intrigues, celle d’une enquête policière où tous les soupçons se portent sur Delaney et celle d’une recherche filiale où cette fille, Connie, est entre les mains de ce même Delaney que l’ont sait violent et que l’on soupçonne d’avoir tué au moins une autre chanteuse, Harvey maintient notre attention. Il la maintient d’autant plus qu’il nous permet d’en savoir bien plus que les uns et les autres… Le principe du suspens, en fait…

En changeant d’univers, d’atmosphère, John Harvey ne change pas complètement, ses thèmes de prédilections restent les mêmes. Jane et Connie sont des femmes qui souffrent en silence. Connie en particulier fait partie de ces femmes que la société ne bannit pas mais qu’elle laisse sur le bas-côté, sur le sort desquels elle ferme les yeux, ne leur permettant de ne connaître que la violence qu’elle engendre… Avec de nouveau un personnage central bien décidé à garder ses distances avec le monde extérieur…

Cela lui semblait si facile, assis là avec son expresso, rassasié, les yeux attirés de temps en temps par le charme fragile et vivifiant d’une passante, de décider qu’il ne se mêlerait pas aux autres, qu’il garderait ses distances, son intégrité, et resterait séparé du monde, même si ce n’était que par l’épaisseur d’une vitre.

C’est un roman particulièrement agréable et prenant. Un roman dont la liberté qu’a prise l’auteur, s’octroyant le droit à un rythme plus changeant, peut parfois être communicative. Un roman plaisant qui reprend toutefois, au final, son aspect de suspens et s’offre même un épilogue pas forcément utile dans le cadre d’un roman d’un seul tenant, en dehors d’une série…

Après cette récréation, Harvey crée un nouveau personnage récurrent, un inspecteur ayant sévi à Nottingham mais s’en étant éloigné… non, ce n’est pas Charlie Resnick mais un pendant plus exposé, plus en danger, Frank Elder. Le premier opus que l’écrivain lui consacre s’intitule De chair et de sang.

2 réflexions sur “John Harvey, Sloane sur les traces de Connie

  1. Pingback: John Harvey, Charlie Resnick s’efface | Moeurs Noires

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