En 1961, James Salter publie son deuxième roman, The arm of flesh. Il connut un “échec total”, d’après son auteur. En 2000, à l’occasion de sa réédition chez Counterpoint, James Salter le réécrit en grande partie, changeant même son titre, il devient Cassada. C’est cette version que Jean-François Ménard traduit en 2001 pour les Editions de l’Olivier, le titre restant le même. Comme pour le premier, Pour la gloire, l’intrigue est centrée sur un escadron et ses pilotes. Mais cette fois en temps de paix.
Alors qu’il consulte quelques papiers dans son bureau, le commandant Dunning entend deux moteurs d’avions en approche mais ceux-ci n’atterrissent pas, effectuant juste un passage. Le plafond est très bas et Dunning s’informe des prévisions météo qui ne lui semblent pas favorables du tout, ce qui lui est confirmé. L’un des membres de l’escadron, Godchaux, vient lui apprendre qu’il s’agissait de deux des leurs.
L’intrigue est lancée. Cette scène, sa progression, va revenir de manière récurrente, elle est le fil rouge du roman, et se développe tout au long du livre.
En parallèle à cet atterrissage compromis par temps très couvert, nous assistons à la vie de l’escadron. Le 44ème escadron de chasseurs, basé en Allemagne, à Fürstenfeldbruck. Un escadron commandé par un soldat reconnu et opérant en temps de paix armé. Nous sommes dans les années 50 et l’Allemagne est séparée en deux, les deux blocs nés de la deuxième guerre mondiale s’y faisant face. Mais l’intrigue n’est pas là, elle se situe dans les différentes opérations auxquelles les pilotes sont confrontés. Et, pour mieux illustrer la vie de ce groupe fermé, nous assistons à l’arrivée d’un nouveau, fraîchement sorti de l’école, Robert Cassada. Ce sont les relations humaines et le pilotage qui sont le centre de l’histoire.
Cassada nous est décrit au travers de son intégration, particulièrement difficile, le fait de savoir piloter ne suffisant pas à lui assurer une reconnaissance auprès des autres. Sa fierté, son impétuosité, ne rendant pas non plus les choses simples.
Nous assistons ainsi à son premier vol derrière l’un des chefs d’unité, Grace, à sa première mission, à une opération extérieure voyant les unités de différents escadrons s’affronter au tir sur cible en Afrique du Nord. Nous assistons aussi en creux à l’évolution de Cassada, brèves évocations lors de discussions… Car les épisodes incontournables de la vie de la base nous sont également contés, les sorties en ville, les fêtes, les réunions… Cassada ne devenant qu’un des nombreux personnages. Outre Dunning, nous avons Isbel le second de la base, Godchaux, le pilote doué et séduisant, Wickenden, le chef d’équipe de Cassada, Dumfries, Phipps, les égaux du nouveau… Une galerie de portraits qui, par petites touches, finit par nous donner une image de la vie de l’escadron et des relations des uns avec les autres, des célibataires aux hommes mariés, de l’alcool bu et des liaisons adultères ou non.
Et pendant ce temps la scène d’ouverture se développe et gagne en force et en intensité…
James Salter signe là un roman fort, prenant et d’une grande humanité. Contrairement au précédent et à ce que peut laisser penser le titre, il ne se centre pas sur un personnage. Il observe un microcosme avec ses règles et ses non-dits, il observe les relations qui s’instaurent. Il le fait par petites touches et dans un style d’une grande précision, d’une grande économie. Que la traduction n’a pas trahi.
C’est son second roman sur le milieu qu’il vient de quitter et il nous en offre une peinture au plus près avant de s’en éloigner et d’aller scruter d’autres histoires, d’autres relations… Ça commence avec son troisième roman, Un sport et un passe-temps, sur un couple et celui qui reconstruit leur liaison.
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