En 2008, dix ans après sa dernière enquête, Charlie Resnick est de retour sous la plume de John Harvey. Il est de retour dans Cold in Hand qui nous arrive deux ans plus tard, traduit, pour cette fois, par Gérard de Chergé avec un titre inchangé. Un titre reprenant celui d’une chanson de Bessie Smith.
En ce 14 février, Lynn Kellogg est sur le chemin du retour. Un retour chez elle après une journée bien chargée, occupée notamment par une négociation avec un homme ayant pris en otage sa famille après avoir découvert l’infidélité de sa femme. Lynn est devenu négociatrice, entre autre, depuis que nous l’avons quittée. Elle est également inspectrice principale, mais pour le moment, ce qui occupe ses pensées, c’est de rentrer chez elle et de pouvoir offrir le cadeau qu’elle a préparé pour la Saint Valentin, le DVD d’un concert de Thelonious Monk. Que pourrait-elle offrir d’autre que du jazz à celui qui partage sa vie, Charlie Resnick ? Alors qu’elle circule dans les rues envahies par les enfants sortant de l’école, elle répond à un appel concernant un affrontement entre deux bandes non loin de là où elle est… Une fois sur place, ne réussissant pas à attendre les secours, l’affrontement semblant s’envenimer, elle intervient et sépare deux filles qui se battent au milieu du cercle formé par les autres. Mais, alors qu’elle maîtrise celle qui est armée d’un couteau, elle reçoit une balle dans la poitrine et s’écroule tandis que la jeune fille qu’elle vient de désarmer en reçoit une dans le cou…
Heureusement, Lynn portait un gilet pare-balles, ce qui n’était pas le cas de l’autre victime…
C’est le début d’une intrigue qui mêle les enquêtes et voit s’entrecroiser Resnick et Kellogg. Ils partagent leurs vies, Lynn s’est installée dans la grande maison de Resnick, et leurs enquêtes ne sont jamais loin l’une de l’autre. D’autant que Resnick, qui opérait dans une nouvelle unité de répression des vols, se voit débauché pour enquêter sur le meurtre auquel s’est trouvé mêlée Lynn. Une enquête délicate puisque le père de Kelly Brent, la victime, est particulièrement vindicatif, reprochant notamment à Lynn de s’être servi de sa fille comme d’un bouclier… Dans le même temps, Lynn est préoccupés par une de ces anciennes enquêtes qui doit passer au tribunal. Elle a l’impression d’avoir mis en danger l’un des témoins, une roumaine employée dans un sauna proposant bien plus que des massages. Lorsqu’elle apprend que le procès est reporté du fait de la disparition de l’autre témoin important, Lynn se soucie de plus en plus d’Andreea et de Stuart Daines, un policier venu des douanes et mettant en place une opération destinée à démanteler un vaste réseau de trafic d’armes mais en qui elle n’a aucune confiance…
Resnick de son côté tente de mener l’enquête délicate dont il est chargé…
John Harvey entremêle les enquêtes et revient à son personnage récurrent en resserrant nettement la focale sur Lynn et Charlie, ceux qui avaient pris de plus en plus de poids au fur et à mesure. Lynn est devenue l’égale de Resnick et leur relation est empreinte d’une grande tendresse…
Après avoir chroniqué l’Angleterre de la fin du vingtième siècle au travers des enquêtes de Resnick, Harvey revient vers son inspecteur de la police de Nottingham pour chroniquer cet univers qu’il a créé. Il parcourt les précédents romans de la série au travers des souvenirs de Resnick ; les personnages disparus de la série, partis ailleurs, refont une apparition, juste de la figuration, parfois plus. Une chronique qui sombre dans une immense tristesse, cet univers subissant une violente secousse… Je ne sais pas si cette intrigue touche davantage les fidèles de la série mais elle aura été particulièrement émouvante, touchante, déprimante, pour l’habitué que je suis. J’ai été touché par le rebondissement intervenant au milieu du livre, l’arrivée de Karen Shields dans l’intrigue, celle-là même que nous avions déjà croisé dans le second opus de la trilogie ayant comme personnage central Frank Elder, De cendres et d’os. Ce n’est d’ailleurs pas le seul point commun avec ce roman, Resnick se rapprochant imperceptiblement de cet autre flic de Nottingham, comme si c’était à son tour de trinquer, d’en prendre plein la figure… et c’est un Resnick ébranlé que nous suivons puis que nous quittons… ébranlé mais toujours empreint de cette humanité qui le caractérise…
Harvey insuffle dans sa série un peu de ce qu’il avait apporté à son œuvre en s’en éloignant. Il y revient en impliquant beaucoup plus ses personnages dans les intrigues, en ne leur laissant pas la place de simple observateur. Une intrigue toujours teintée de blues et d’une cuisine élaborée, gourmande, sur fond de miaulements de chats… et d’un grand bouleversement. Une intrigue fouillant dans les doutes des uns et des autres, dans leurs certitudes pour mieux les bousculer, nous bousculer…
Avant de revenir une dernière fois à Resnick, Harvey va retrouver les deux policiers qu’il nous avait présenté dans Traquer les ombres en 2007, Grayson et Walker, avec Le deuil et l’oubli. Il y aura ensuite Lignes de fuite et, donc, l’ultime opus de la série Resnick, Ténèbres, ténèbres.
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De lui, j’avais lu le premier tome des enquêtes de Resnick, j’avais aimé ses ambiances, son rythme lent, ses personnages. J’y reviendrai à coup sur, mais il me faudrait du temps, du temps !!
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Effectivement, le premier Resnick est assez réussi. Ses ambiances, son rythme, se confirment, s’affirment au fil des romans…
Ah ! Si le temps ne nous était pas compté !
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Je veux bien parier ma tasse de café chaude et fumante que même si j’avais tout le temps que je voulais, j’y arriverais quand même pas parce que j’en ai trop que je veux découvrir, lire, dévorer… la plupart des retraités doivent trouver un créneau pour aller boire une mousse ou un kawa avec leurs amis
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