En 1952, trois ans après Les paletots sans manches, Léo Malet signe son cinquième roman sans Nestor Burma, Enigme aux Folies-Bergère. Il est publié aux éditions Hachette dans la collection “Enigme”. C’est une période difficile pour le romancier, il vient, pour la première fois depuis qu’il vit de sa plume, une dizaine d’années, d’accepter un travail, emballeur chez Hachette.
Après un interrogatoire qui a duré plus de vingt-quatre heures, le commissaire Ruffin et ses adjoints viennent d’obtenir les aveux de leur suspect. Le policier n’a plus qu’une chose en tête, aller dormir. Il quitte le quai des Orfèvres en passant par la salle du télé-imprimeur, appareil transmettant les différents crimes, délits ou événements suspects constatés par les commissariats de la capitale.
Son sommeil ne dure pas, un coup de fil le réveille. Hubert Courvoisier, rencontré pendant ses dernières vacances, a un service à lui demander et il préfère lui exposer sa demande en dehors des circuits officiels. Après avoir fixé leur rendez-vous pour l’après-midi à 15 heures, Raffin se rendort. Courvoisier s’étant sûrement ravisé ne se présente pas au domicile du policier et il reprend le boulot sans plus s’en préoccuper.
Deux jours plus tard, alors que sa disparition a été signalée par son épouse et sa belle-fille, le cadavre de Courvoisier est repêché dans sa voiture au fond de la Marne. Une auto correspondant au standing de la victime, une Dugat 12. Une fois un endroit sec trouvé où transporter le corps, le médecin-légiste constate que le décès n’est pas accidentel, une balle lui a été tirée dans le flanc. Alors qu’il parcourt les alentours après avoir raccompagné la veuve dans sa demeure cossue, Raffin est assommé.
De retour à Paris, alors que l’enquête avance, c’est à la porte de son appartement que le commissaire tombe sur un nouveau cadavre, celui de l’un de ses indics.
Nous sommes dans la France des années 50, la guerre a encore des conséquences. Cette famille Courvoisier, recomposée puisqu’il s’agit d’un remariage pour l’épouse, tire son aisance des affaires faites au marché noir. Elle est également aux prises avec les affres d’une société qui évolue, la fille, Solange Darnay, ayant décidé de marquer son émancipation en s’engageant aux Folies-Bergère, pour la nouvelle revue. Et c’est ce dont Courvoisier voulait s’entretenir avec Raffin, lui demander comme service de convaincre la jeune femme d’y renoncer. Bien sûr, on se rend compte très vite qu’il n’y a rien de moral là-dessous, juste le besoin d’éviter que Solange découvre qu’il entretient l’une des filles de la dite revue.
C’est une enquête menée sur un rythme entraînant, un divertissement honnête, correspondant à ce qui est proposé à l’époque. Certainement. Léo Malet est un bon artisan. Mais il semble avoir perdu dans ce roman ce qui fait son originalité, la gouaille de ses personnages est mise en veilleuse, les rebondissements ne jouent pas sur l’exagération, le commissaire narrateur ne s’égare pas comme peut le faire Burma. Pas de remise en cause du monde qui nous est décrit.
Léo Malet étant un bon faiseur, on ne s’ennuie pas, il nous propose un divertissement agréable, efficace, mais qui ne dénote pas, comme s’il essayait de se tenir. La période qu’il traverse explique sans doute cette retenue.
Heureusement, deux ans plus tard, l’écrivain entame les “nouveaux mystères de Paris”, dans lesquels Burma mènera une enquête par arrondissement. Durant un peu plus de quatre, il ne se consacre plus qu’à cette série, abandonnant les romans qu’il signe de pseudonymes.
Pour commencer, le premier arrondissement et Le soleil naît derrière le Louvre.