Léo Malet, Nestor Burma de la petite ceinture au paradis

Le quatrième et dernier épisode des Nouveaux mystères de Paris à paraître en 1955 se déroule dans le 14ème arrondissement. Il s’intitule Les rats de Montsouris et prend place dans l’un des arrondissements voisins du 6ème précédemment visité dans La nuit de Saint Germain des Près.

 

Burma affronte de nouveau l’été. Celui qui avait débuté son exploration des quartiers de Paris en janvier débarque dans un bistrot minable, à la hauteur de son allure dépenaillée. C’est qu’il est en service commandé le Nestor et que pour une fois, son Les rats de Montsouris (Robert Laffont, 1955)client, avec lequel une première approche a été mise au point, d’où ses frusques, son client donc n’est pas passé à l’état de macchabée. Il s’agit de Ferrand, un ancien compagnon de stalag, tout juste sorti de prison et qui a besoin de l’aide du détective privé. Après une première approche codée, juste pour le rassurer, les deux hommes vont jusqu’à la chambre où loge le repris de justice.

Quelques heures plus tard, Burma se rend chez un autre client, autrement plus solvable, ancien avocat général. M. Gaudebert l’a contacté parce qu’il est victime d’un chantage de la part de Ferrand, justement. C’est la raison pour laquelle le détective de l’Agence Fiat Lux a accepté de voir le délinquant. Deux affaires qui n’en font bientôt plus qu’une quand Ferrand est retrouvé mort, égorgé dans sa chambre. Une enquête de Burma sans cadavres n’étant pas imaginable, voilà que les choses rentrent dans l’ordre. Il va pouvoir arpenter le 14ème en long et en large, principalement les abords du parc Montsouris, le long de l’ancienne ligne de chemin de fer de la petite ceinture.

Outre la très jeune femme du vieillissant Gaudebert, une autre rousse croise le chemin de l’enquêteur narrateur, l’épouse d’un peintre habitant Villa des Camélias et aimant s’encanailler avec le premier homme qui passe. Quelques anciennes connaissances se rappellent également au bon souvenir de Burma, un sculpteur surréaliste notamment, l’occasion de se rapprocher de l’auteur du roman et de sa vie passée.

 

Une nouvelle fois, les cadavres tombent à la pelle et Burma doute, suppose et se trompe tout en nous gratifiant de bons mots et d’un cynisme qui font sa singularité.

Epaulé par la toujours charmante Hélène, secrétaire dont on finit par se dire qu’elle est bien proche de son patron tout en lui passant bien des choses, le détective va et vient dans ce quartier où une bande organisée de voleurs sévit, où la ligne de la petite ceinture s’avère être encore en service pour les usines du coin et où l’orage finit par éclater.

Personne n’est ce qu’il paraît être, en dehors des artistes croisés. Et l’avocat général, qui se faisait un devoir d’envoyer sur l’échafaud tous ceux qui passaient devant lui, est lui-même revenu de tout, après cette prison où il a été enfermé à la libération comme tant d’autres.

 

Après des rebondissements en pagaille, la fin vaut son pesant de cacahuètes et clôt une aventure rondement menée pour le privé. Comme toujours il n’est pas le dernier à prendre des coups ou à en donner et tout cela se retrouve dans le final, lorsque les masques tombent enfin.

Un opus sympathique des nouveaux mystères de Paris.

 

 

La série se poursuit en 1956, traversant la Seine, elle s’installe dans le 10ème. C’est M’as-tu vu en cadavre ?

 

Alors que l’été s’est achevé, laissant la place à octobre et un automne naissant, Nestor Burma reçoit, à l’agence Fiat Lux, la visite de Nicolss, un acteur sur le retour. Celui-ci ne vient pas précisément le voir, c’est Hélène, la fidèle secrétaire du détective privé, qu’il veut rencontrer. Mais elle n’est pas là et il devra repasser. Ce qu’il fait en l’absence de notre M'as-tu vu en cadavre (Robert Laffont, 1956)narrateur et enquêteur.

En tant que comédien vieillissant, sa démarche n’a rien de surprenant, il vient la taper de quelques billets. Les cachets ne tombent plus si facilement et il est un peu dans la dèche, ayant besoin de se renflouer pour obtenir de nouveaux engagements. Il s’adresse à Hélène parce qu’elle est la fille d’un ancien ami et celle-ci ne peut refuser. Comme elle n’avait pas de liquide sur elle, son patron lui propose d’être le prêteur, il est en fond, il faut en profiter. Ils se rendent donc tous les deux au rendez-vous fixé par l’artiste au Batifol pour n’y trouver qu’un lapin posé par ce dernier…

Ne réussissant pas à le retrouver, ils renoncent à l’aider. Quelques jours plus tard, une impresario demeurant rue du Paradis, Madeleine Souldre, contacte Burma pour qu’il enquête sur l’un de ses protégés, la vedette du moment, Gil Andréa. Il n’est plus le même depuis quelques jours et elle s’inquiète.

Décidément, le 10ème pousse le détective du côté du music-hall. Accompagné d’Hélène, il mène l’enquête, de la série de concerts donnée par le bellâtre à son club d’admiratrices en passant par les victimes de son charme, il en sait bientôt beaucoup sur le chanteur sans pour autant découvrir le lourd secret qui pourrait expliquer sa nervosité nouvelle.

 

De suppositions approximatives en déductions psychologiques à deux centimes, notre privé ne progresse guère. Comme d’habitude. Pourtant, les coups sont là, le laissant sur le pavé à quelques centimètres de son auto, une Dugat 12. Les cadavres eux manquent, là où ils tombent par grappe habituellement les voilà qui se font attendre…

C’est Hélène qui impulse une nouvelle fois une avancée décisive à l’intrigue. Et, originalité de l’opus, elle prend même la place de narratrice le temps de deux chapitres.

C’est, comme toujours bien écrit, que ce soit sous la dictée de Burma ou de sa secrétaire, les bons mots fusent et le créateur de l’agence Fiat Lux en prend, encore une fois, pour son grade. On croise de nouveau les artistes qui peuplent Paris, après ceux du quartier latin, plutôt portés sur la littérature, puis ceux de la villa des Camélias s’adonnant à la peinture ou la sculpture, vous l’aurez compris, on est, cette fois, du côté des saltimbanques, ceux des salles de spectacle parisiennes, différents des acrobates de cirque déjà rencontrés également.

Ce n’est pourtant pas mon épisode favori des Nouveaux mystères de Paris. Un peu trop alambiqué pour moi, trop “résolu dans les dernières lignes”. Mais la prose de Léo Malet nous tenant toujours, on a malgré tout envie d’ouvrir le suivant et de nous diriger en compagnie du détective qui met le mystère k.o. vers le 8ème arrondissement avec Corrida aux Champs-Elysées.