En 1992, Virginie Despentes écrit Baise-moi en un mois. Le manuscrit est tout d’abord refusé par plusieurs maisons d’éditions jusqu’à ce qu’il arrive entre les mains de Florent Massot. Publié en 1994, il connait le succès grâce au bouche-à-oreille qu’il suscite.
Nadine regarde un porno quand Séverine, sa colocataire, rentre pour manger, contrairement à ce qu’elle avait annoncé. Après un début de dispute, Nadine éteint la télé et Séverine se plaint d’avoir cédé trop rapidement à son dernier amant en date. Une fois Séverine repartie, Nadine met son casque de walkman sur les oreilles et enclenche Get Whacked des Suicidal Tendencies tout en remettant le porno qu’elle regardait.
Un gamin est venu tanner Manu à son appart pour qu’elle réagisse à la mort en prison de Camel, retrouvé pendu dans sa cellule alors qu’il n’avait pas de tendances suicidaires. Mais Manu se contente d’écouter le môme et de constater une fois de plus son absence de motivation pour toute action. Elle ne pense qu’à ce qu’elle consomme et boit.
Deux femmes aux prises avec la société. L’une trafique, l’autre tapine. Certains hommes les protègent pour mieux tirer partie des services qu’elles peuvent rendre, des hommes qui considèrent qu’elles doivent accepter leur sort. Qui profitent de leur emprise, des sentiments qu’elles nourrissent. De la force dont ils abusent, allant jusqu’au viol sans culpabiliser plus que ça. Mais la violence subie pour ne pas se faire complètement fracasser fait remonter le dégoût de la soumission. Jusqu’à ne plus être supportable.
Et les cadavres surgissent. Témoin ou coupable, Manu et Nadine ne se laissent plus faire et c’est toute la société qui trinque sans exception, sans épargner personne. A commencer par ceux qui les traitent comme des moins que rien, qui traitent tout le monde comme des moins que rien.
Puis ça continue.
Une rencontre entre deux femmes qui survivent et qui décident de s’épauler après avoir déguerpi en Bretagne. Argent et voiture volés ne constituent que le début d’une folle trajectoire. Entre drogue et alcool, sexe et meurtres. Entre deux hôtels.
Sur leur chemin, elles croisent des individus pas plus à la fête et canardent à tout va.
Pour son premier roman, Virginie Despentes va jusqu’au bout, ne nous épargne rien, dans cette épopée au bout du noir, nihiliste et violente. Pas vraiment de questions posées par les deux personnages principaux, pas de revendications, juste une balade guidée par l’instinct, la satisfaction de l’envie présente, le besoin de ne plus subir. De vivre sans entrave leur condition.
Manu et Nadine partagent tout, s’entrainent.
C’est un premier roman coup de poing comme on dit si souvent, mais celui-là l’est vraiment. Aucune intention de nous caresser dans le sens du poil, uppercuts et directs s’enchainent, jusqu’au dégoût, à la subjugation. Lecture bouche bée, en apnée, éberluée.
Un roman qui dérange, qui ne cherchent pas à plaire et qui parvient pourtant à s’imprimer dans notre cerveau, à ne pas en sortir et à marquer.
Dès le début de son parcours littéraire, Despentes marque son territoire, s’installe et nous déstabilise. Nous décrivant un monde sans espoir, loin de vies rêvées.
Elle poursuit dans cette veine avec son roman suivant, Les Chiennes savantes, une histoire de règlements de compte dans le monde de la prostitution et du sexe tarifé.