Trois ans après Chute libre, mais seulement un an après Johnnie, son précédent roman non traduit en français, paraît le huitième roman de Dorothy B. Hughes, Dread Journey. Ce voyage de la peur devient chez nous, après la traduction de Jean Benoït, Voyage sans fin.
Dans le train de super-luxe reliant Los Angeles à Chicago, James Cobbett veille sur un wagon. Il en est le contrôleur, l’équivalent d’un domestique ou d’un majordome, chargé du confort des voyageurs enfermés pour le moment dans leur compartiment. E n dehors de deux couples, il y a là un producteur célèbre, puissant, Vivien Spender, un compositeur, Leslie Augustin, une actrice travaillant pour la compagnie de Spender, Baby Agnew. Ils ne gardent pas pour eux le confort de leur espace privé, Baby Agnew a ainsi accepté d’accueillir une jeune femme qu’elle ne connaît pas, Gracia Shawn, et Leslie Augustin vient d’inviter dans son compartiment un vieil ami croisé par hasard, Hank Cavanaugh. Quant à Viv Spender, il reçoit la visite régulière de Mick, sa secrétaire, logée dans le wagon suivant. Tout ce petit monde est parti pour trois jours de traversée du pays. Trois jours de doutes et de peur.
Baby Agnew sait qu’on ne veut plus d’elle à New Essany, la compagnie de Spender. Ce dernier cherche même à l’évincer de sa prochaine production alors qu’elle a signé un contrat. Mais elle ne veut pas capituler, elle est prête à lutter et ce sera le film ou le mariage avec Spender. Pourtant, depuis qu’elle est montée dans le train, c’est la peur qui l’assaille. Elle connaît le magnat, elle sait qu’il est prêt à tout pour parvenir à ses fins et c’est sa vie qui est en jeu. Mick, la dévouée secrétaire, lui a confié qu’elle soupçonnait son patron d’avoir tué sa première femme… Baby décide de ne jamais être seule, elle partage son voyage avec Cavanaugh et Augustin, Gracia leur emboîtant le pas. La peur qu’elle cherche à cacher finit par transpirer et devenir le souci de ses compagnons de voyage.
La peur, comme vous l’avez compris, habite ce roman. Contrairement aux précédents opus parvenus jusqu’à nous, elle n’est pas accompagné du doute. Nous sommes sûrs, davantage que les protagonistes.
Les personnages sont fouillés, de la future jeune première qui ne sait pas dans quel monde elle débarque au scénariste dont le rêve hollywoodien s’est évanoui en passant par le compositeur incontournable du moment, le magnat sans pitié, le journaliste intègre en ayant beaucoup vu en Europe, tous les ingrédients y sont.
Ce n’est pas le premier roman de Dorothy Hughes que je trouve moins convaincant, il y a eu avant lui La Blonde du Bar Bambou. Les défauts ne sont pas les mêmes. Dans celui-ci, le rythme est moins soutenu, il faut du temps pour décrire chacun. Le suspens l’imprègne moins tant nous connaissons les pensées de chacun, défaut opposé de La Blonde… Il faut s’accrocher un peu pour que finalement, dans les derniers chapitres, l’intrigue nous saisisse.
C’est un roman qui n’est pas sans qualités, il se laisse lire avec un certain intérêt, mais il est en dessous du précédent et des deux premiers. Un bon roman au ton moins singulier que ce que nous avons connu jusqu’ici. La faute peut-être à la multiplicité des personnages sans que l’un ou l’autre ne prenne le dessus. L’empathie n’y est pas, ne peut pas y être.
L’année suivante paraît un nouveau roman de l’écrivaine, Et tournent les chevaux de bois.