Quelques mois après un premier roman, La Boule bleue, en paraît un deuxième signé Dorothy B. Hughes. Publié par le même éditeur outre-Atlantique, Duell, et intitulé The Cross-Eyed Bear, il arrive de ce côté-ci de l’océan, traduit par Renée Vally sous le titre L’Ours a fait un testament, aux éditions des Deux Mondes, dans la collection “La main rouge”.
Une jeune femme décide de tenter sa chance. Elle est à la recherche d’un homme et essaie de le croiser à l’occasion d’une pièce de théâtre. Cela fait a priori plusieurs fois qu’elle se livre à cette enquête et celle-ci est la bonne, elle le voit. Ils sont deux et ne sont pas du même milieu qu’elle. Alors qu’elle a obtenu une place debout, ils ont les meilleures. Elle les aperçoit tout de même à la fin de la représentation, ils la frôlent sans la voir, assaillis par plusieurs jeunes femmes de leur rang.
Ce qu’elle a vu et entendu la rassure, elle se sent prête pour aller plus loin et répondre à l’annonce dont elle sait que l’un des deux est l’auteur. Ils en ont même discuté devant elle quand elle faisait la queue pour acheter son billet. C’est pour cette annonce qu’elle voulait les approcher. Secrétaire vivant plus que chichement et dont le remplacement qu’elle assure est sur le point de prendre fin, elle veut une nouvelle situation et celle-ci l’attire particulièrement. L’entretien a lieu dans un hôtel de luxe où Bill Folker a son bureau. Elle y apprend que la place lui vaudra cent dollars par semaine quand elle en gagnait sept jusqu’ici, une aubaine, et que sa mission concerne l’héritage de Knut Viljas, surnommé l’Ours-qui-louche, mort quelques années auparavant. Ses trois fils, Stefan, Lans et Dene, ont chacun reçu une partie d’un chèque qu’ils doivent réunir pour obtenir la somme substantielle qu’il représente. Un sceau doit, de plus, confirmer l’authenticité du document. L’un des trois fils le détient mais lequel ? Les frères se détestant, ils ont disparu, changé d’identité pour ne pas risquer les violences des autres. Il faut les retrouver et retrouver le sceau, le job proposé l’est au nom de Stefan, pour lequel Folker travaille.
Bien qu’on lui ait dit que beaucoup de femmes, jeunes et jolies, s’étaient présentées et qu’aucune n’avaient donné satisfaction, elle est acceptée alors qu’elle ne se pense pas particulièrement belle. Elle devra en plus assurer le secrétariat, celle qui occupe le poste le quittant dans la semaine.
Elle emménage donc au Lorenzo et fait connaissance avec tout un lot de personnages gravitant autour de l’affaire. Nous découvrons bien vite qu’elle ne s’embarque pas vraiment dans l’inconnu comme elle veut le laisser croire. Puis, dans les jours qui suivent, l’ancienne secrétaire qui avait averti Lizanne de la dangerosité du boulot, est assassinée.
Comme pour son premier roman, Hughes nous décrit une femme prise dans une intrigue violente, où les sentiments n’ont pas vraiment leur place et où seul l’appât du gain semble motiver les protagonistes. Lizanne ne sait pas à qui se fier et si elle doit se fier à quelqu’un. Chacun paraissant jouer son propre jeu. La fortune de Viljas attire d’autant plus les convoitises qu’elle consiste aussi dans la propriété de mines en Finlande devenues très convoitées dans ses temps troubles de conflit mondial. Stefan, l’aîné, semblant notamment prêt à écouter les offres des Trois, une alliance imaginaire entre des pays qui ne seront jamais nommés mais qui sont les ennemis des Etats-Unis. Les services secrets puis la police sont en conséquence de la partie. En ce qui concerne la police, nous retrouvons l’inspecteur Tobin et l’agent Moore aux commandes de l’enquête sur l’assassinat de l’ancienne secrétaire.
C’est de nouveau un cauchemar où même les lieux qui semblent les plus sûrs ne le sont pas et où il faut jouer avec les uns et les autres un jeu dangereux. Lizanne, chargé de retrouver l’un de frères, se conforme à sa mission tout en ne se fiant qu’à elle-même. La peur est chez tout le monde mais certains s’en accommode mieux que d’autres. L’héroïne, personnage central, se révèle, comme je le disais plus haut, être partie prenante dans l’intrigue, pas seulement là par hasard.
La peur domine tout en n’étant pas suffisante pour renoncer. Les motivations des personnages se dévoilent au fur et à mesure, en dehors de celle de Lizanne, persistant dans un certain flou.
C’est prenant et Hughes semble avoir trouvé là un ton, une ambiance qui lui conviennent. La peur et une complicité avec le personnage central qui s’établit pour le lecteur. Nous en savons plus que la plupart des personnages et nous percevons d’autant mieux les dangers encourus par l’héroïne.
La romancière va pourtant faire évoluer cette univers dans son roman suivant, La blonde du Bar Bambou, tout en retournant vers le personnage central de son premier roman, Griselda.
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