En 1923 paraît le premier roman de Dorothy L. Sayers. Il s’intitule Whose Body ? Sa traduction ne nous arrive que seize ans plus tard pour « Le Masque ». Avec L. Servicen, il devient Lord Peter et l’inconnu. Une autre traduction nous arrive en 1995 toujours sous le même titre.
Avant que l’intrigue ne nous soit proposée, un « avant-propos » ouvre le livre. Il est rédigé par Paul-Austin Delagardie, à la demande de Miss Sayers. Delagardie est l’oncle de Lord Peter Wimsey et il est chargé de le présenter à travers son parcours avant cette première intrigue. Nous apprenons ainsi que le détective amateur a v u son éducation confiée à cet oncle maternel. Quelques faits saillants de sa vie nous sont dévoilés, ses études d’histoire à Oxford, son amour pour une fille, Barbara, trop jeune pour lui d’après ses parents puis son engagement dans la guerre. On apprend aussi qu’il s’est ensuite illustré dans l’affaire des émeraudes d’Attenbury en tant que principal témoin de la partie civil ayant réussi à résoudre l’affaire.
A partir de ce moment, outre la recherche d’éditions rares de livres, il s’est adonné à la résolution en amateur d’énigme policière.
Lord Peter Wimsey, alors que son taxi démarre et s’insère dans la circulation londonienne de manière audacieuse, s’aperçoit qu’il a oublié le catalogue de la vente à laquelle il se rend. A sa demande de revenir à leur point de départ, son chauffeur entame une manœuvre dangereuse. Arrivé entier au 110A Picadilly, il gravit les marches, entre dans son appartement au moment où Bunter, son majordome, annonce au téléphone que lord Wimsey est absent puis se ravise en le voyant. C’est la duchesse douairière, sa mère, qui est au bout du fil et lord Peter se décide à lui parler tandis que Bunter part à la recherche du catalogue. La nouvelle que lui apprend sa mère est peu ordinaire. L’architecte chargé de la réfection du toit de l’église de Denver, paroisse de la famille, vient de se décommander parce qu’un cadavre a été retrouvé dans sa baignoire, le corps d’un homme portant en tout et pour tout un lorgnon. Lord Peter accepte de se rendre sur place, à Battersea, tandis qu’il charge Bunter d’aller à la vente aux enchères. Ses deux passions viennent de se télescoper.
Lorsqu’il arrive dans l’appartement, le corps n’a pas encore été déplacé et Wimsey peut effectuer ses propres constatations et interroger Thipps, l’architecte, sur les circonstances de la découverte. Le seul élément que regrette Thipps est l’oubli par sa domestique de fermer la fenêtre de la salle de bain. Lord Peter apprend également que l’inspecteur chargé de l’enquête et Sugg, un homme avec lequel il n’est pas toujours d’accord, cherchant à se creuser la tête le moins possible et prenant parfois des raccourcis hasardeux.
Alors que l’affaire ne s’avère pas simple, une autre s’ajoute aux occupations du détective amateur, la disparition d’un certain Lévy, un spéculateur redoutable. Mais le corps retrouvé n’est pas celui de Lévy et les deux affaires tournent au casse-tête. Bunter et Lord Wimsey passent à l’inspection fine, scientifique, relevés d’empreintes, analyses en tous genres. L’inspecteur Parker se joint à eux, très proche de Sa Seigneurie, il peut au moins lui apporter un peu de sérénité.
Peter Wimsey déploie tous les efforts possibles pour résoudre ses enquêtes. Bien que détective amateur, il bénéficie d’une tolérance de la part des autorités et son aide est même vue d’un bon œil. Il a fait ses preuves.
Dans cette intrigue, Dorothy Sayers développe autant la résolution des enquêtes, les mystères à résoudre, que la description de son personnage principal, de son domestique et du policier qui leur prête main forte ainsi que de leur méthode, leur organisation. Il y a aussi tout l’aspect des relations, des convenances à respecter.
C’est un personnage singulier que nous propose Dorothy Sayers, qui est passionné par la résolution du mystère qui s’offre à lui mais qui s’interroge également sur la manière de confronter le coupable à la vérité, de le confondre tout en le respectant. L’énigme résolue bien avant les dernières pages est suivie par ce questionnement du respect du coupable et de la meilleure manière de conclure.
Dorothy Sayers installe son personnage récurrent avec du recul, de l’humour et un intérêt élargi. Lord Peter ne parvient pas à la vérité du premier coup, il lui faut tâtonner pour y arriver. Un essai erreur qui permet de progresse en s’appuyant toujours sur les constatations faites grâce cette science en plein développement, la criminologie.
Ce premier opus ayant eu un certain succès, Dorothy Sayers a poursuivi la narration des aventures du lord détective. L’enquête suivante paraît trois ans plus tard et s’intitule Trop de témoins pour Lord Peter.
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