David Goodis, Calvin Jander en eaux troubles

En 1967, quelques semaines après sa mort, est publié par Banner l’ultime roman de Goodis, Somebody’s done for. Il traverse l’Atlantique rapidement puisqu’il est traduit par Jean Rosenthal en 1968 pour la “série noire”, sous le titre de La pêche aux avaros. Un Goodis qui ne peut se renier.

Un homme est dans l’eau, sans une terre à l’horizon, il y est depuis tellement de temps qu’il sait qu’il ne pourra plus résister bien longtemps. Un orage l’a surpris alors qu’il partait pêcher et maintenant il n’a plus rien à quoi se raccrocher, quand il entend le bruit d’un moteur. Un moteur qui s’approche.

Ainsi débute l’intrigue. Calvin Jander n’est pas secouru par le canot à moteur qui lui tourne autour avant de repartir mais une La pêche aux avaros (Gallimard, 1967)bouée a été jetée là ou est tombée, peu importe toujours est-il qu’il peut regagner la terre ferme… Enfin ferme, c’est une zone de marais qu’il rejoint. Exténué, il s’endort sur la petite plage sur laquelle il a échoué. Une femme vient le chercher alors qu’il risque de nouveau la noyade, la marée étant montante. Une femme dont le visage lui semble familier, sans qu’il sache si cette impression n’est pas due à ce qu’il vient de vivre et aux émotions que cela a provoqué. Recueilli dans une cabane, elle s’occupe de lui mais ils sont bientôt découverts par un autre homme, l’un de ceux qui étaient dans le bateau et qui a refusé de le sauver.

Calvin Jander se trouve bientôt au milieu d’une bande de truands. Lui le publiciste, sa vie ne tient plus qu’à un fil parce qu’il a découvert bien malgré lui ce repère, cette planque. Mais, alors que la menace monte, une seule pensée trotte dans sa tête, celle de cette femme belle à couper le souffle et qu’il est de plus en plus sûr d’avoir déjà croisée.

Et cette pensée devient une obsession dont il ne peut se défaire.

Calvin Jander, publiciste, fait curieusement penser à un autre publiciste, un illustrateur alors que lui est dans la documentation. Il fait furieusement penser à James Vanning, celui de Nightfall. Il y fait penser pour plusieurs raisons, deux principalement, sa rencontre avec des truands et cette mémoire qui lui joue des tours et qu’il veut retrouver. Le rapprochement est intéressant car il s’agit d’un des meilleurs Goodis, de mon point de vue, et qu’il correspond à une période que le romancier avait abandonnée depuis longtemps. A ce premier aspect vient s’en ajouter un deuxième qui n’a pas toujours été un ingrédient de l’auteur, une femme fatale. Une beauté à laquelle on ne peut résister et sur laquelle il ne semble y avoir aucune prise, un peu comme Doris dans Cassidy’s Girl ou même Edna dans La blonde au coin de la rue, voire Dorothy dans Retour à la vie mais peut-être est-ce parce que je veux y voir une boucle se boucler.

Cet aspect de l’histoire qui en devient le centre apporte à l’intrigue une ambigüité qui en fait toute la richesse. Jander s’accroche à sa volonté de retrouver la mémoire même si cela devait le perdre. Il s’y accroche comme si il avait enfin trouvé un sens à sa vie et comme si le fait de se plonger pleinement dans cette recherche puis d’en accepter les conséquences allait de soi. On le sent gagner de la force, de la volonté, alors que son avenir devient plus incertain. Alors que cette partie de pêche initiale se transforme en une course aux ennuis, comme le titre français le suggère.

Quant au titre original, savoir qui est cette personne faite pour… et pour quoi ? C’est une ambigüité qui s’ajoute. Difficile de dire quelles sont les pensées réelles des personnages, Goodis ayant abandonné ce qu’il avait pourtant adopté depuis quelques livres, ces monologues intérieurs nous faisant pénétrer les pensées intimes d’un personnage.

Ce retour en arrière avec une intrigue ressemblant plutôt à celles qu’il explorait au début des années 50 et cette façon de traiter ses personnages datant de la même époque, on en vient à se demander si ce roman posthume ne serait pas plutôt de ces années-là, période prolifique de l’auteur. S’il ne s’agit pas d’un roman jamais publié sorti des tiroirs après sa mort et peut-être contre sa volonté…

C’est en tout cas une œuvre d’une grande qualité rappelant si c’était nécessaire l’écrivain remarquable qu’était David Goodis. Et dont il faut lire l’ensemble de l’œuvre !

David Goodis, Corey, flic et malfrat

En 1961, quatre ans après L’allumette facile, le dix-septième roman de Goodis est publié chez Gold Medal, il s’intitule Night Squad. C’est le dernier qui le sera du vivant de son auteur. Le précédent avait repris les thèmes récurrents du romancier, nous proposant un roman comme on en avait déjà lu d’autres sous sa plume. Cette fois, il lorgne du côté des tenants de la loi et de leurs opposants, environnement qu’il n’avait exploré qu’une fois dans La police est accusée. Traduit une première fois l’année suivante par Jean Debruz pour le compte de la “série noire”, sous le titre de Les pieds dans les nuages, il l’est de nouveau en 2010 par Christophe Mercier pour les éditions Rivages & Payot sous un nouveau titre, Ceux de la nuit.

A la sortie d’un bar, trois voyous molestent un ivrogne pour lui prendre son argent. De l’autre côté de la rue, un homme les observe. Un homme que l’un des trois connaît et dont les deux autres ont entendu le nom. Celui qui le connaît se sent obliger de traverser la rue, l’homme lui demande ce qu’ils ont pris et prélève une partie du butin. Fort de cette somme il se dirige vers un bar pour se désaltérer… et peut-être plus. Corey Bradford est un ancien flic, tout juste viré pour corruption lors d’une opération Ceux de la nuit (Payot & Rivages, 1961)destinée à redorer l’image de la police. Il n’a plus d’insigne, plus de moyen de corrompre. Plus de plaque de métal avec laquelle échanger, car il avait des conversations avec…

Dans le bar où il se rend, le Hangout, il croise Carp, un type qui ne boit qu’en volant les verres des autres consommateurs et qui est invariablement poursuivi par Nellie, la femme chargée de l’ordre dans le débit de boisson. Un peu plus loin, à une table dans un coin, Corey aperçoit son ex-femme, Lilian, qu’il n’avait pas croisée depuis des années. Elle lui apprend qu’elle s’est remariée et il la voit boire pour la première fois. Mais l’argent, le peu d’argent qu’il a dans les poches, l’attire vers l’arrière-salle, celle où on joue. Il y entre mais n’est pas autorisé à s’asseoir. Celui qui règne sur l’endroit, Grogan, lui donne toutefois le droit de regarder… Deux hommes cagoulés entrent alors et veulent emmener le caïd, celui-ci finit par céder mais Corey intervient et les descend… La cote de l’ex-flic remonte alors puisqu’il est engagé à la fois par Grogan pour retrouver le commanditaire de son enlèvement et par les Night Squad, unité de la police aux méthodes pas forcément orthodoxes. Corey Bradford accepte les deux propositions, décidant de jouer double-jeu parce qu’il ne sait que choisir de la loi ou de l’argent promis par Grogan s’il mène à bien sa mission.

L’action est ramassée sur quelques jours et le parcours de Corey a tout d’une dégringolade, allant de situation difficile en situation inextricable. Corey trinque et trinque encore, tiraillé par une ancienne morsure de rat, voyant son petit monde se réduire inexorablement, être détruit pièce par pièce. Il ne lutte pas seulement contre lui-même, pas seulement contre une organisation criminelle ou contre la police mais également contre un troisième groupe, une association de malfaiteurs prête à tout pour mettre à mal le rapport de force existant de ce quartier du Marais.

Corey dérive d’une conversation avec son nouveau patron à un échange avec le chef de l’unité qui l’a accueilli, en passant par ses rencontres avec les différents acteurs du quartier. Il démêle petit à petit l’écheveau qui pourrait le conduire à son but mais plus il s’approche de la vérité plus les attaques sont dangereuses, violentes et tendues.

Goodis, comme à son habitude, promène son personnage. Il lui impose un parcours du combattant, d’un règlement de compte dans un terrain vague à un autre dans une maison renfermant un magot en passant par une fusillade dans les marécages et un échange de coups dans un bureau du Night Squad, les affaires de Corey Bradford sont sur une pente savonneuse. Et Goodis nous le raconte sans fioritures, dans un style tout à l’économie, direct, nous donnant accès, comme il en a pris l’habitude, aux cogitations de son personnages.

Ce n’est peut-être pas le meilleur roman de Goodis mais c’est un roman intéressant car il transpose les figures habituelles de l’auteur, ses figures imposées, dans un contexte renouvelé, celui de la lutte entre police et grand banditisme. Il n’est pas au niveau des plus belles réussites du romancier, telles que Cauchemar, NightfallRue Barbare, La lune dans le caniveau ou Sans espoir de retour.

Il emprunte toutefois les figures habituelles de l’univers romanesque de Goodis et les agence d’une nouvelle manière. Carp est ainsi un avatar du Eddy de Tirez sur le pianiste, du Hart de Vendredi 13 ou du Whitey de Sans espoir de retour. Il fait parti de ces personnages rescapés de la première période de l’auteur, celle qui était plutôt centrée sur la classe moyenne. Mais contrairement aux précédents, Carp n’est qu’un personnage secondaire, le centre étant cette fois, et pleinement, comme pour la deuxième facette de l’œuvre du romancier, un quartier, un quartier peu fréquentable, un quartier que l’on ne quitte pas, un quartier ouvrier, miséreux. Un quartier où certains malfrats font régner leurs lois et où ceux qui s’y opposent sont promis à l’enfer.

C’est un roman noir comme on en lit peu, d’une grande qualité et dont le rythme, la montée en puissance, vous amènent sans effort à tourner les pages, à aller jusqu’à la conclusion de cette lente désagrégation d’un homme… ou de son rachat…

L’ultime roman de Goodis paraîtra six ans plus tard, quelques semaines après sa disparition, il s’agit de La pêche aux avaros.

David Goodis, Rif et son odyssée

En 1957, David Goodis voit son seizième roman publié, Fire in the Flesh. Il paraît l’année suivante en France, traduit par Alain Glatigny pour la “série noire”, sous le titre de L’allumette facile. Une traduction rapide qui permet de maintenir chez nous le rythme des parutions de l’auteur.

Une femme court dans la nuit, tentant de garder son avance sur la police. D’une ruelle, elle débouche dans un terrain vague où gisent des carcasses de voiture. Elle se dirige vers l’une d’elle et y trouve celui qu’elle cherchait, Rif, de son vrai nom, Andrew Landon Rainey. Rif n’est pas en état, particulièrement imbibé, assommé au muscat, sa boisson de prédilection. Cora doit le traîner, L'allumette facile (Gallimard, 1957)le tirer, le soutenir, pour l’emmener à l’abri des forces de l’ordre qui ne tardent pas à débarquer dans le cimetière de voitures. Elle l’amène jusqu’à son appartement, un lieu qu’il connait pour y venir de temps à autre quand son cœur ou celui de Cora lui en dit. Mais ce soir, la situation est tout autre… Un incendie s’est déclaré dans le garage de Lew Dagget, cinq personnes y ont péri. Dont Lew Dagget. Rif est connu pour sa passion à allumer des feux un peu partout, il est également de notoriété publique qu’un différend l’a opposé récemment à Dagget, ce dernier lui a lancé un marteau au visage alors qu’il s’apprêtait à gratter une allumette pour incendier une poubelle du garage… Rif est d’autant plus dans de sales draps qu’il ne se souvient de rien. Impossible de se rappeler ce qu’il a fait de sa nuit.

Cora et Rif en sont là quand des coups sont frappés à la porte de l’appartement de la jeune femme. Rif s’échappe juste à temps mais il parvient à entendre celui qui s’invite chez Cora. C’est Clem’ Dagget, le frère de feu le garagiste. Il est également à la recherche du pyromane. Mais il n’est pas du même côté de la loi que ses autres poursuivants. L’affaire se corse.

Rif fuit d’un endroit à l’autre, d’un refuge à l’autre, cherchant à comprendre, à se remémorer. Les personnes qu’il croise au cours de son odyssée nocturne font remonter des souvenirs oubliés. Des souvenirs qui tissent des liens avec la victime… Clem’ Dagget luttant contre son frère, se battant avec lui, quand Cora avait tenté de les séparer. Lew Dagget emmenant Leila, la belle-fille de son pote de beuverie, Burt Pomfret, alors qu’elle n’avait que dix ans… Les souvenirs remontent mais la situation ne gagne pas en clarté.

Rif est un homme connaissant les mêmes doutes qu’un autre personnage de Goodis, James Vanning de Nightfall, des doutes sur sa culpabilité. Un homme hanté par une scène qui n’est pas sans rappeler l’ouverture de Rue barbare. Un homme qui doute, qui doit vivre avec un sentiment de culpabilité permanent, comme nombre de personnages du romancier, Hart de Vendredi 13, par exemple. Et, à l’instar de ses derniers romans, Goodis privilégie la voix intérieure du personnage, un monologue à la première personne, pour nous raconter les réflexions de Rif.

C’est une fuite permanente qui rapproche Rif du danger, un peu plus à chaque pas, à chaque étape. Et au fur et à mesure, Rif s’approche de ses propres difficultés, de quelques vérités… Les uns après les autres chacun vit un moment décisif qui va changer sa vie, lui faire prendre les rails auxquels elle semblait prédestinée.

Du roman noir, du Goodis, sans conteste, sans doute pas l’un de ses plus marquants, contrairement au précédent, Tirez sur le pianiste !, pas l’un des plus remarquables, mais un roman qui se lit avec plaisir, qui s’inscrit parfaitement dans une œuvre aux thèmes récurrents. L’intrigue et le style faisant bon ménage, un style simple, direct.

Il faudra attendre quatre ans pour lire le roman suivant, Ceux de la nuit.

David Goodis, Eddie et le piano

En 1956 paraît Down There. Il est publié comme souvent par Gold Medal. C’est un roman important dans la carrière de Goodis puisque, traduit l’année suivante en France par Chantal Wourgaft et titré Tirez sur le pianiste, il sera adapté rapidement par Truffaut, en 1960. C’est un roman qui relance la notoriété de l’auteur, sans pour autant le relancer véritablement dans la création puisque le film sort alors que Goodis arrête quasiment de publier, rattrapé par la maladie.

Comme la vie du romancier est restée un mystère, on parle de ce roman comme d’une variation sur la vie de l’auteur… Philippe Garnier, qui se penchera quelques temps plus tard sur la vie de l’écrivain, modifiera cette analyse possible du bouquin. Mais il ne peut en faire oublier d’autres, La blonde au coin de la rue contenant également, de mon point de vue, pas mal d’éléments autobiographiques. Tirez sur le pianiste apparaît donc comme un complément. La description d’un musicien ayant connu la notoriété puis choisi l’anonymat rappelle en effet la trajectoire de l’écrivain… elle rappelle aussi un autre de ses romans, Sans espoir de retour. Mais on ne peut réduire le roman à ce seul intérêt…

Un homme est poursuivi dans la rue, alors que la nuit tombe. Il fuit à pied tandis qu’une voiture est à ses basques. Il finit par trouver ce qu’il cherchait, un bar qu’il ne connaissait que de nom, le Harriet’s Hut, mais où il savait pouvoir trouver Eddie, le pianiste du lieu. Eddie est son frère et Turley, l’homme poursuivi, espère qu’il pourra lui venir en aide mais Eddie est comme ailleurs, seulement occupé par sa musique, ce qui se passe autour de lui ne le touche plus.

Dans un sursaut, Eddie aide Turley à s’enfuir. Mais c’est à son tour d’être le centre de l’attention des deux truands, Morris et Feather, qui en veulent à Turley. Et une autre personne se met à s’intéresser à lui, Lena, la serveuse. Jusque là, ils coexistaient, Tirez sur le pianiste ! (Gallimard, 1956)Eddie observait le manège de Plyne, le videur, tournant autour d’elle, visiblement mordu. Lena l’accompagne en sortant du café et ils réussissent à semer leurs deux poursuivants… des émotions qu’Eddie pensaient à jamais oubliées s’éveillent en lui… des émotions qui le ramènent vers le passé, son passé. Des émotions qui s’amplifient encore quand, le lendemain, après avoir de nouveau faussé compagnie aux deux malfrats, Lena l’appelle par son nom, Edward, celui qui était le sien sept ans auparavant, celui qui était sur les affiches de ses concerts de soliste au Carnegie Hall ou ailleurs. Du temps où il était un pianiste reconnu, mondialement acclamé, Edward Webster Lynn.

Les souvenirs remontent avec les émotions qui les accompagnaient, des émotions qu’Eddie a mises en veille, qu’il croyait éteintes. Des émotions qui l’ont amené loin, qui auraient pu le perdre. De l’amour à la haine, du bonheur au malheur, au dégoût… Les sentiments, il les a connu, il y a goûté, mais il s’en est affranchi, pour ne pas tomber du mauvais côté. Et il a fini dans ce bar, à jouer pour les clients, indifférent au monde.

Avec Lena, Eddie sent tout cela revenir, mais cette attirance pour les émotions, ce retour à une certaine dépendance, une impossibilité de s’en défaire, va le conduire de nouveau loin. Car, chez lui, il y a une forte propension à l’exacerbation…

Avec Tirez sur le pianiste, Goodis poursuit son chemin, il continue de creuser le sillon qui est le sien. Et il confirme l’évolution apparue dans son roman précédent, Descente aux enfers, en faisant la part belle à l’introspection, en lui cherchant une nouvelle forme. Elle était jusque là extérieure au personnage, une plongée de l’auteur omniscient dans les pensées de ses personnages, telle que la littérature nous la propose habituellement. Cette fois, les réflexions d’Eddie prennent la forme d’un monologue intérieur, un monologue à la première personne, introduit par des guillemets. Nous sommes, comme toujours, au cœur du questionnement d’un homme, mais nous sommes aussi dans ses limites. Les réflexions qu’il se fait, les décisions qu’il prend, ne sont pas toujours suivies d’effet, car il n’a pas entièrement prise sur ses actes. Sa volonté, celle qu’il exprime, ne dicte pas sa loi…

De même que Sans espoir de retour m’avait marqué positivement, Tirez sur le pianiste est également un roman remarquable, un roman noir, où l’on assiste au parcours du personnage principal semé d’obstacles et de violence… Un parcours qui peut nous dire que sortir de sa condition n’est pas toujours chose facile, mais encore une fois, l’œuvre de Goodis ne peut être réduite à une morale, surtout pas aussi simpliste que celle que j’évoque. Il y a cette difficulté à affronter la société, à s’y intégrer, à s’y faire. Une difficulté qui tend à l’impossibilité.

Comme Sans espoir de retour bien plus tard, Tirez sur le pianiste a été adapté au cinéma. Je n’ai pas vu l’adaptation de Fuller pour le premier mais celle de Truffaut m’est familière. Il peut être intéressant de voir la lecture qu’un autre a pu faire d’un même roman et une adaptation cinématographique est souvent celle de son réalisateur ou de son scénariste. Avec Truffaut, on sait qu’il était les deux à la fois et qu’il ne filmait que des sujets choisis pas lui…

En adepte de la “série noire”, un adepte aussi de ses traductions dont il disait qu’elles rehaussaient parfois la qualité du roman original, Truffaut, après le succès de son premier film, Les 400 coups, a voulu payé sa dette au cinéma états-unien et à ce genre mineur de littérature qu’il affectionnait particulièrement. Il a jeté son dévolu sur Goodis, un auteur qu’il appréciaitTirez sur le pianiste ! Affiche film Truffaut particulièrement. Il a voulu payer sa dette et commettre un film en réaction au précédent, film sur l’enfance, ancré dans une certaine réalité…

Je disais plus haut qu’une adaptation cinématographique était une lecture d’un roman mais c’est aussi l’œuvre d’un cinéaste, ce qu’était sans conteste Truffaut. Aussi a-t-il fait du Pianiste, une œuvre personnelle, en parfaite symbiose avec le reste de sa filmographie.

On navigue entre le drame et le burlesque, les hommes ne discutent que des femmes et de leurs relations avec elles, qu’ils soient truands ou non. C’est un film sérieux et qui fait sourire. Truffaut affirme que c’est ce qu’il ressentait à la lecture de Goodis, les pages comiques alternant avec celles proches du mélodrame. Le côté “conte de fées” du roman noir est également quelque chose qui l’a attiré. Il a d’ailleurs situé l’intrigue du film dans un lieu difficile à déterminé puisque jamais nommé explicitement…

Le résultat est un film rapide, nerveux, mais en même temps très libre. Un film qui alterne les moments tendus et les aérations principalement musicales, avec notamment la mise en avant de Boby Lapointe. Truffaut y apporte ses propres thèmes mais, au final, il réalise un film assez fidèle à l’original… Un film qui reste, bien des années plus tard, d’une grande qualité…

Je dis assez fidèle à l’original car Goodis, que Truffaut est l’un des rares à avoir rencontré et avec lequel il a même correspondu, a dans un premier temps dit apprécier l’adaptation. Il l’a ensuite vu sous-titré et en a eu une autre vision, la bande son créant un décalage avec ce qui est montré à l’écran, apportant une touche de légèreté et insistant sur les relations hommes-femmes, ce que Goodis fait de manière beaucoup plus discrète… Même s’il s’agit bien là d’un de ses thèmes de prédilection.

Truffaut et Goodis se rejoignent, en tout cas, sur leur intérêt pour les hommes en marge, seuls, incapables de se faire à la société.

Le film n’a pas été un succès à sa sortie. Il a pourtant contribué à relancer l’intérêt pour Goodis en France… Aux Etats-Unis, Truffaut raconte que les spectateurs croyaient à une œuvre cent pour cent française…

Le roman suivant de Goodis paraît un an après, il s’intitule L’allumette facile.

David Goodis et un couple à la dérive

En 1955 paraît le quatorzième roman de David Goodis, The wounded and the slain, programme plutôt sauvage. Il est publié l’année suivant celle de Sans espoir de retour et nous parvient en 1977, précurseur de la nouvelle salve de romans qui seront traduits dans les années 80. Et c’est sous l’impulsion de François Guérif, puisque c’est dans la collection Red Label des éditions Pac, la première collection qu’il a dirigée, que Goodis traverse de nouveau l’Atlantique. Denise Yankiver le traduit sous le titre de Descente aux enfers. S’éloignant de ses romans précédents et de sa ville, le romancier situe l’intrigue en Jamaïque.

James et Cora Bevan ont quitté Manhattan pour quelques jours. Ils sont descendus à l’hôtel Laurel Rock de Kingston. Ils y sont descendus pour tenter de se relancer. James est alcoolique, au bord ou dans la dépression depuis plusieurs mois. Sur les conseils de son médecin, il est parti ailleurs… Mais, Descente aux enfers (Pac, 1955)dès le début du livre, on le trouve passablement imbibé au bar de l’hôtel, différant son retour dans la chambre matrimoniale à coup de whisky. Cora, sa femme, finit par descendre, elle lui conseille d’arrêter pour ce soir. Mais elle n’a plus de prise sur lui et il est trop tard, Bevan a passé la limite. Sur le point de s’écrouler, il est pris en main par un costaud qui l’emmène jusqu’à son lit. Un costaud qui n’est pas sans troubler Cora… Le décor et l’intrigue sont plantés. James et sa fuite dans l’alcool, la fuite de l’échec de son mariage avec une femme qu’il aime et qu’il désire mais qui ne veut pas de lui dans son lit, et Cora qui ne parvient pas à désirer ce mari qu’elle aime pourtant, qui ne parvient pas à se défaire de certaines réminiscences, d’interdits qui la hantent depuis son enfance, d’interdits dont la transgression l’a marquée…

Un couple qui n’en peut plus, qui ne parvient plus à se parler… et qui pourtant se comprend…

James et Cora Bevan sont venus en Jamaïque pour se retrouver mais les barrières qui les séparent sont hautes. Et ils s’enfoncent un peu plus dans leurs névroses. James ne peut plus se saouler dans leur hôtel, un certain standing, un certain dégoût des convenances, le font le quitter pour s’enfoncer dans les rues autochtones, celles dont l’hôtel aurait dû le préserver. Il part du côté de Barry Street, une des pires rues de la ville, et atterrit chez Winnie, un bouge où le rhum est de la dernière qualité, ce qui lui convient parfaitement… Mais une bagarre éclate, une bagarre à grande échelle dont il cherche à s’extirper, ne pouvant plus être servi… dans la ruelle qu’il atteint, il doit lutter pour survivre, un client l’y a suivi, un client qui en veut à son argent, un client armé d’une matraque, dont il ne peut se défaire qu’en brandissant une bouteille qui a roulé là, une bouteille bientôt transformée en tesson tranchant…

Le couple se rapproche dans l’épreuve. Mais lentement, très lentement. Et le temps continue à filer. Les remords, les souvenirs prégnants, contre lesquels ils doivent lutter, sont forts. Il faudra les affronter.

Au fur et à mesure des livres, Goodis s’enfonce un peu plus dans la noirceur. Même si cela paraît impossible, il dresse un tableau de notre société de plus en plus en sombre. Où les raisons de vivre sont de moins en moins claires. Les règles édictées de moins en moins humaines…

Nous sommes sur un manège qui tourne et s’arrête parfois pour laisser descendre quelques uns d’entre nous et en laisser monter d’autres, et quelque soit le prix de votre billet, quelque soit le nombre d’anneaux que vous avez attrapés, en un rien de temps votre place est prise par un autre client venu d’ailleurs pour prendre son tour de manège. Alors, en fin de compte, il s’agit simplement de tourner en rond et, malgré toutes les couleurs vives et toute cette musique de foire, malgré les hurlements de joie qu’on pousse quand le manège tourne, le résultat est un grand trou dans la terre où les trainards de la nuit finissent par avoir très faim quand il commence à pleuvoir.

Il évolue dans la noirceur mais aussi dans son approche des personnages. Leurs pensées, leurs réflexions, tout ce qu’ils cogitent nous est décrit, explicité. Le romancier fouille les tréfonds de l’esprit, de l’âme de chacun, les personnages principaux, comme ceux qu’ils croisent au gré de leur dérive, un maître-chanteur, un marin australien, un autre touriste, la tenancière d’un bar, un commissaire de police… Cette description systématique des obsessions des uns et des autres peut paraître lourde, peut sembler ralentir l’intrigue. C’est ce qu’il m’a semblé à certains moments, mais elle correspond à un choix de l’auteur, un type de narration qu’il explore et qui enrichit encore son œuvre… Même si, au final, ce n’est pas le roman que j’ai préféré de Goodis. Sa nouvelle manière nécessite l’expérimentation avant d’en arriver à la maîtrise qu’il avait jusqu’ici, maîtrise qu’il avait connue au prix de quelques tâtonnements…

L’œuvre de Goodis est décidément remarquable. C’est indéniablement un écrivain qui a montré une passion pour son art, une passion qu’il a explorée au risque d’y perdre ses lecteurs, au risque surtout de se démarquer de ce qui faisait le tout venant de l’époque. Il a ainsi eu un parcours unique. Et bousculé un genre au point d’en proposer une nouvelle approche. Il nous rappelle aussi que le roman noir est un genre d’une grande exigence littéraire, qu’il s’agit d’un genre majeur dans la littérature du vingtième siècle.

Après avoir connu une cadence intense, le rythme des parutions de David Goodis ralentit. Son roman suivant paraît en 1956, il s’intitule Tirez sur le pianiste !.

David Goodis, Whitey aux Enfers

En 1954, Goodis publie un troisième roman, The Street of No Return, chez Gold Medal. Après deux romans chez Lion, son année faste se poursuit. Année faste avec trois intrigues bien différentes, la première nous parlait d’un groupe de trentenaires sans boulot et de leur désœuvrement en s’attardant surtout sur l’un d’entre eux et son abandon d’une relation qu’il ne méritait pas, la deuxième nous décrivait la fuite d’un homme, Al Hart, et son arrivée dans une bande de truands à la manière d’un chien dans un jeu de quille. Cette troisième intrigue peut faire penser aux deux précédentes, elle s’inscrit d’ailleurs dans l’ensemble de l’œuvre de Goodis, faisant la part belle aux hommes en marge, au bord du précipice… Elle nous parvient deux ans après sa publication aux Etats-Unis, prenant place parmi les traductions rapides, celle-ci étant signées Henri Robillot et titrée Sans espoir de retour. Il s’agit de nouveau d’une rue, d’un quartier, dans lequel on s’enferme.

Trois clochards, des sans-abris dirions-nous maintenant, sont à sec dans Skid Row, le quartier des bas-fonds. Plus d’alcool et pas de plan pour s’en procurer rapidement. Sacs d’Os et Phillips réfléchissent, échangent, sur leur situation et comment se refaire un stock, tandis que Whitey reste enfermé Sans espoir de retour (Gallimard, 1954)dans son éthylisme, muet. Des bruits surgissent, ceux d’affrontements devenus réguliers dans le quartier, des affrontements interraciaux entre européens et portoricains d’origine. Des affrontements violents, la police finissant par s’en mêler… Un homme passe alors dans la rue et Whitey le suit, ne pouvant s’en empêcher. Soudain, il entend des plaintes dans une ruelle et se porte au secours d’un flic méchamment amoché. Trop tard, ou juste à temps pour se faire embarquer et inculper du meurtre du flic… Alors que la violence du quartier, surnommé l’Enfer, s’est invitée au commissariat, Whitey profite d’un nouvel affrontement pour s’enfuir, il est recueilli par Jarvy Jones, un noir, qui ne parvient pas à le convaincre de rester planqué. Tandis qu’il retourne au commissariat, Whitey aperçoit à une fenêtre l’homme qu’il avait entrepris de suivre. Avec lui, un autre homme et deux femmes… Les souvenirs reviennent, ceux de son ascension, chanteur adulé, à la voix d’or, et de sa passion pour Celia, une passion ayant précipitée sa perte, sa descente jusqu’aux Enfers de Philadelphie, le quartier… Une descente aux enfers qu’il a appelée de ses vœux quand il a compris qu’il ne pourrait pas vivre ce qu’il aurait voulu, vivre sa passion.

C’est de nouveau un paumé que nous invite à suivre David Goodis le temps d’une nuit. Un homme passant à côté de ce qu’il aurait pu vivre, renonçant à tout, se laissant glisser dans la déchéance. Whitey pourrait être le frère ou le cousin du Al Hart de Vendredi 13 pour sa proximité avec le banditisme, un paumé parmi d’autres désœuvrés, comme le Ralph Creel de La blonde au coin de la rue. C’est un homme qui a connu une vie normale, tel le personnage principal de Cauchemar, Nightfall, Cassidy’s girl ou encore Obsession. Mais c’est décidément d’Al Hart dont il semble le plus proche, un prolongement de ce énième avatar d’homme dépassé par la société, incapable d’affronter ce qui lui arrive.

C’est de nouveau un paumé mais cette fois, l’arrière plan diffère. Un endroit plus sordide que les précédents, un endroit où les luttes sont raciales, une première chez l’écrivain, cette irruption de la diversité. Européens et portoricains d’origine s’affrontent, un noir vient au secours du personnage central, un court instant. La société que nous décrit Goodis est multiculturelle, telle qu’il ne l’avait pas jusqu’ici décrite. Multiculturelle et violente, cette violence que l’on sent monter d’un roman à l’autre dans l’œuvre de l’écrivain, une violence faite de coups de poing… d’où les armes à feu ne sont plus exemptes.

C’est un roman dans la lignée des précédents. Pas de grande révolution. Un roman à l’aune des intrigues déjà servies par Goodis, on pourrait s’y habituer, s’en lasser et pourtant le charme, si on peut parler de charme, opère toujours. On est pris, on se dit que ça n’est pas possible et, au fur et à mesure des livres de Goodis, on constate que la rédemption est de moins en moins envisageable. La noirceur chez Goodis augmente encore, comme si c’était possible.

C’est un des romans marquants de l’auteur, le roman marquant de l’année 54, même si La blonde au coin de la rue faisait preuve d’originalité. Un de ceux dont on peut se souvenir longtemps, au même titre que d’autres cités plus haut…

Décidément, l’œuvre de Goodis est remarquable. D’une qualité impressionnante.

Le roman qui paraît l’année suivante s’intitule Descente aux enfers et fait partie de ceux qui nous parviendront bien plus tard.

David Goodis, 1954 chez Lion

L’année 1954 est une année faste pour David Goodis. Pas moins de trois romans paraissent sous sa signature. Deux chez Lion et un chez Gold Medal. Difficile de savoir dans quel ordre ils sortent. Les différentes sources ne s’accordent pas, pour Philippe Garnier, son biographe, il semblerait que ce soit d’abord La blonde au coin de la rue puis Vendredi 13 et Sans espoir de retour. Pour l’éditeur français du premier roman cité, celui-ci ne serait que le deuxième coincé entre Sans espoir de retour et Descente aux enfers qui ne paraît pourtant qu’en 1955… Pour une certaine encyclopédie collaborative, il en serait de même, La blonde… n’étant que le troisième de l’année derrière Vendredi 13 et Sans espoir de retour et avant Descente aux enfers… Bien compliqué. Comme je l’ai fait jusqu’ici, je vais suivre Philippe Garnier et évoquer d’abord les deux romans parus chez Lion.

The blonde on the street corner est donc un roman paru en 1954, l’année suivant celle de La lune dans le caniveau. Il s’agit de la novellisation, et sûrement d’un travail de réécriture, d’un scénario que Goodis avait commis lors de son passage à Hollywood, Up till now, une commande qui n’a jamais été plus loin que le traitement scénaristique. Il arrive en France, traduit par Jean-Paul Gratias, en 1986 sous le titre de La blonde au coin de la rue.

C’est un roman proche de l’univers habituel de Goodis. A Philadelphie, avec des jeunes hommes un peu paumés. C’est un roman proche de son univers habituel mais en léger décalage. Nous ne sommes pas tout à fait dans les bas-fonds, nous ne sommes pas dans la misère mais juste au dessus. Nous ne La blonde au coin de la rue (Rivages, 1954)sommes plus dans les années 50 mais dans les années 30, 1936 pour être exact, à la veille de Noël. Retour en arrière pour Goodis… Un retour sur lui-même ?

Ralph vit dans une famille où le père, Norman, travaille. Sa sœur, Evelyn est également salariée. Il mène une vie relativement stable, trois repas par jour, un toit… Une maison tenue par sa mère et une jeune sœur encore au lycée… Il mène une vie stable tout en faisant partie de cette frange de la société qui ne travaille pas. A trente ans, il est au chômage et passe le plus clair de son temps avec trois copains, au coin d’une rue, devant une épicerie. Ils y observent la vie suivre son cours sans eux. C’est là qu’au tout début du livre, il attend. Une femme, une blonde, attend sur le trottoir d’en face. Ils se font face et elle l’interpelle.

Cette scène est rapide et l’histoire se penche sur Ralph Creel et ses trois amis, Ken, George et Dingo. Une bande de trentenaires en marge. Ils grappillent l’argent de leurs parents, de leurs frères et sœurs pour vivoter. Pour s’acheter des cigarettes et pouvoir tuer le temps, passer leurs soirées et manger quand cela devient de leur responsabilité, quand plus personne n’est là pour prendre cet aspect en charge… Ralph ne sait pas ce qu’il veut, perpétuellement dans le doute, perpétuellement dans l’attente. Seule la boxe l’intéresse, la boxe telle qu’elle apparaît dans les pages sportives du quotidien reçu par la famille. Il se délecte des comptes-rendus de combats, des coups portés par les uns et les autres. Il se chamaille avec ses sœurs, parle peu avec son père…

Et rejoint ses copains chaque soir. Leurs soirées sont occupées par les discussions, par les cigarettes fumées, par les plans sur la comète, les rêves d’avenirs trop grands pour eux. Leurs soirées sont occupées par les rencontres avec les filles que Dingo arrange en téléphonant à des femmes choisies au hasard dans l’annuaire, en organisant des rendez-vous, quatre filles et quatre garçons. Lors de l’une d’entre elles, Ralph est attiré par Edna, une fille isolée du groupe d’en face, de celui des filles. Ils veulent se revoir, se revoient, mais Ralph résiste. Mal à l’aise pour ce qu’il a à offrir à une fille. Une fille qui peut encore avoir un avenir quand le sien semble bouché. Les paroles qu’il écrit sur les musiques composées par Ken risquent de ne jamais dépasser leur cercle fermé, l’absence d’entregent ne leur promettant aucun avenir… Alors Ralph résiste. Il résiste à l’attirance qu’il éprouve… à l’attirance réciproque.

C’est un roman singulier dans la bibliographie de Goodis. Un roman sans réelle intrigue, sans réelle progression. Nous assistons à des soirées qui se répètent, qui semblent tourner en rond, à des projets qui, à peine énoncés, retournent aux oubliettes. Un roman sans réelle construction et qui semble plutôt nous restituer une atmosphère, l’air du temps de ces années 30 telles qu’elles pouvaient être vécues par des chômeurs, sans grande volonté et certainement pas celle de s’intégrer au monde du travail. Un roman singulier, peut-être autobiographique en partie. Qui peut ressembler au Goodis que Garnier a découvert en partant à la recherche de ceux qui l’avaient connu. Un roman qui, malgré tout, porte l’empreinte de son auteur, cette noirceur, cette désillusion.

On essaie de se convaincre qu’on pourrait faire mieux que ce qu’on fait, et de temps en temps, on a une idée brillante et on essaie de la mettre en pratique. Mais ça ne marche jamais. On ne peut pas descendre d’un manège qui n’arrête pas de tourner.

La même année paraît, chez le même éditeur, Black Friday. Traduit par François Gromaire en 1955, il devient Vendredi 13 du côté de chez nous. Une traduction plus rapide que le précédent qui implique un vocabulaire différent, un vocabulaire année 50, celui de la « série noire » de l’époque (“pipes” pour cigarettes, “marle”,…). Une traduction plus rapide qui s’explique peut-être par l’intrigue, une intrigue sous le signe de l’action, ramassée, située dans un certain milieu.

Hart erre dans Philadelphie. C’est l’hiver, il a froid et cherche un manteau… Sans un sous, il envisage de le dérober à un passant mais celui-ci semble plus fauché que lui. Il erre encore, plus frigorifié, et entre dans une boutique promettant des vêtements soldés… Il repart en courant et va courir unVendredi 13 (Gallimard, 1954) certain temps. Il n’est pas de Philadelphie mais y a étudié et en connait un peu la géographie, ses pas vont le mener d’embêtements en embêtements. En se dirigeant vers un quartier qu’il croit épargné par les délits et les rondes de police, il tombe sur un règlement de compte… Et se retrouve au milieu d’une bande de malfaiteurs, des professionnels, entre deux mauvais coups. Un certain Renner est tombé, il lui prend son portefeuille mais le restitue aux autres, Charley, Paul, Mattone et Rizzio, quand ceux-ci le lui demandent. Il ne se livre pas sans combattre mais finit chez eux, dans la maison qu’ils occupent avec deux femmes, Myrna et Frieda.

Le statut et l’occupation des malfrats ne font aucun doute. Hart va devoir les convaincre du sien. Il fuit la police pour un meurtre commis à la Nouvelle Orléans, le meurtre de son frère. Il fuit mais les flics sont sur ses traces, il a intérêt à se planquer pour un temps et c’est ce que lui offrent la bande et leur maison. Il doit y faire sa place et ce n’est pas simple, devant affronter chaque membre à son tour… Il a cessé de courir mais la lutte est toujours là. Le mobile de son crime pouvant lui donner une certaine légitimité.

La plupart des meurtres, c’est des histoires de haine. Ou d’amour. Ou un geste auquel on se laisse aller dans une minute de folie et qu’on regrette après. Mais quand vous faites ça pour de l’argent, ça devient une opération commerciale, ça vous place dans une catégorie spéciale, ça fait de vous un véritable professionnel.

Un coup se prépare, auquel il accepte de se joindre. Mais il reste sur le qui vive.

C’est une intrigue différente de la précédente. Le milieu dans lequel elle se déroule n’est pas le même et les relations entre les protagonistes sont bien différentes, plus violentes, plus épidermiques. Une intrigue différente mais qui brasse les mêmes préoccupations, celles que l’on rencontre dans chaque œuvre du romancier. Un homme cherche sa place. Un homme qui doit également choisir entre deux femmes… deux modes de vie, deux modes de relations. Un homme prêt à se battre mais dont les choix sont difficiles à faire, difficiles à décanter.

Le style de Goodis convient parfaitement à l’intrigue, il convient autant à la description des scènes de violence, avec une prédilection plus affirmée pour la boxe, qu’à celle d’introspection, de retour en arrière dans les souvenirs. C’est un roman prenant, comme le précédent même s’il se situe plus dans l’action et le besoin de survie dans un milieu où tout peut basculer très vite…

En poursuivant son parcours avec ces deux romans, l’écrivain confirme son talent. Il confirme également une certaine originalité, cette petite musique qui fait d’un écrivain un écrivain reconnaissable, différent de la plupart des autres. Pour ce qui est de Goodis, un écrivain aux personnages désespérés, presque condamnés d’avance, et dont les préoccupations peuvent parfois être proches des nôtres. Celles notamment d’évoluer dans une société qui ne nous correspond que très imparfaitement.

Comme je le disais plus haut, un troisième roman paraît en 1954, Sans espoir de retour.

David Goodis, Kerrigan et la lune au-dessus de Vernon Street

En 1953, paraît un deuxième roman de David Goodis, après Le casse, c’est The Moon in the Gutter. Contrairement au précédent, il fait parti de ces livres de Goodis qui mettent du temps à nous parvenir, puisque sa traduction, signée Danièle Blondil, n’est publiée qu’en 1981 chez Fayard, sous le titre de La lune dans le caniveau. Il fait également parti, cette fois comme le précédent, des bouquins du romancier adaptés au cinéma. Pour celui-ci, ce sera par Jean-Jacques Beineix…

Comme souvent chez Goodis, nous sommes directement dans l’histoire. Pas de tergiversation, c’est direct et ça vous plonge tout de suite dans l’ambiance, ça vous happe. Difficile après ça de reposer le livre, pour moi en tout cas.

Au bord de la ruelle qui débouchait dans Vernon Street, un chat gris attendait qu’un gros rat émerge de sa cachette. Le rat avait disparu à toute allure dans la cabane en bois par une fente de la cloison, et le chat inspectait tous les trous en se demandant comment il avait bien pu s’y glisser. Dans l’obscurité moite d’une nuit de juillet, vers minuit, le chat attendit là plus d’une demi-heure. En s’éloignant, il laissa les empreintes de ses pattes sur le sang séché d’une jeune fille qui était morte là, dans la ruelle, sept mois auparavant.

Une scène anodine qui, au détour d’une phrase, ne l’est soudain plus. Une scène anodine que l’on lit tranquillement et qui soudain vous entraîne…

Il n’y a pas que le sang séché dans la ruelle qui reste, il y a aussi son souvenir et le souvenir de sa fin dans la tête de Kerrigan. William Kerrigan est le La lune dans le caniveau (Fayard, 1953)frère de Catherine, celle qui s’est suicidée là après avoir été violée. Celle dont la mort n’a pas été éclaircie, la police se contentant du constat brut. Kerrigan ne peut s’empêcher de chercher, sans trouver. Alors, quand son frère, Franck, lui apprend que depuis un peu moins d’un an un drôle de type traîne dans le quartier, un riche qui n’a rien à faire dans Vernon, Kerrigan est intrigué… Il part à la rencontre de ce Channing dans le bar de Dugan. Et c’est parti pour quelques heures qui vont bouleverser Kerrigan, lui faire perdre pied, remettre en cause bien des choses… A commencer par Vernon Street, cette rue à laquelle il appartient, comme Chet Lawrence appartenait à Ruxton Street dans Rue Barbare.

Et c’est une nouvelle fois une femme qui amène le doute. Loretta, la sœur de Channing subjugue Kerrigan. Au point qu’il ne sait plus ce qu’il veut, que son envie de quitter son quartier, celle qu’il avait du vivant de Catherine, reprend de la force, s’impose à nouveau… Mais il y a Bella, la fille de Lola, la compagne de son père. Bella avec qui il envisage un avenir. Et il y a toujours le sang séché dans la ruelle… juste à côté de cet endroit appelé Vernon Street et qui ne vit que pour lui-même, qui ne peut s’offrir aucun luxe, même les plus simples.

Sous la splendeur vermillon du soleil couchant, l’immense magnificence d’un ciel d’opale, les citoyens de Vernon Street n’avaient pas la moindre idée de ce qu’il y avait là-haut, ils ne se donnaient même pas la peine de lever les yeux pour voir. Tout ce qu’ils savaient, c’était que le soleil était encore haut et que ça allait être une nuit sacrément chaude.

C’est un roman sans concession de Goodis. On pourrait finir par s’y habituer, mais non. Pas moi.

C’est un roman qui demande un effort. Il faut accepter cette description d’un monde sans espoir, cette description de personnages coincés dans une vie, dans une rue d’où il est quasiment inimaginable de sortir. A moins de réussir à se défaire de l’énorme fardeau que chacun porte sur ses épaules…

C’est un roman direct, violent, comme peut l’être l’existence dans ces recoins du monde peu reluisants, peu accueillants mais où pourtant, parfois, des étrangers s’aventurent, comme les Channing. Comme Loretta, cette femme qui empêche de penser.

C’est un des romans marquants de Goodis.

L’année suivante, en 1954, trois romans de Goodis paraitront, trois romans qui nous arriveront dans le désordre, comme d’habitude… Le premier à être publié outre-Atlantique s’intitulera chez nous La blonde au coin de la rue.

David Goodis, association de malfaiteurs et femme fatale

En 1953, David Goodis publie deux romans, le premier des deux s’intitule The Burglar. Il arrive en France à peine un an plus tard, traduit par L. Brunius, sous le titre sommes toutes fidèle de Le casse. Si je compte bien, c’est donc le neuvième roman de l’auteur, son quatrième traduit en France (chronologiquement).

Après un roman particulièrement noir et réussi, prenant, Rue Barbare, Goodis revient à plus classique. Il ne décrit plus un endroit qui à lui seul déterminerait le destin de ses habitants mais un destin déterminé par les aléas d’une vie. Le destin de Nathaniel Harbin.

Tout commence devant une maison cossue, quatre individus attendent dans une voiture. Il y a Harbin, Baylock, Dohmer et Gladden. Harbin a Le casse (Gallimard, 1953)trente-quatre, dix-huit ans de métier, Baylock a également pas mal bourlingué et Dohmer est à l’avenant. La quatrième, Gladden, est la gosse de la bande, une vingtaine d’années, chétives, la protégée de Harbin. Le casse s’effectue tant bien que mal, plutôt bien, quasiment comme prévu, si ce n’était la voiture de police qui s’arrête devant leur voiture garée et que Harbin est obligé d’aller voir pour leur raconter une histoire de panne et les faire partir. Cent mille euros d’émeraude pour quelques minutes de stress, quelques semaines de préparation, la récolte est plutôt bonne… Mais cela semble être le point de départ de la déconfiture… La fin d’une association qui ne fonctionnait pas si mal. L’entente se met à battre de l’aile…

Baylock et Dohmer ne supportent pas Gladden, la jeune protégée de leur chef. Elle n’est autre que la fille de Gerald, celui qui lui a tout appris, qui l’a recueillit quand il n’avait plus personne… Quand son mentor est mort, sous ses yeux, il a pris sa fille sous son aile, à son tour.

C’était toujours le même schéma, le même thème. Au cours des années écoulées, ses moindres actes s’étaient conformés avec quelques variantes, à ce thème essentiel. Il fallait toujours rejoindre Gladden, protéger Gladden, fuir avec Gladden. C’était plus qu’une habitude, plus qu’un besoin. C’était une sorte de religion, presque une intoxication. A l’origine de ses faits et gestes, il y avait ce besoin lancinant de veiller sur Gladden.

Harbin accède finalement à la demande de ses deux acolytes, il envoie Gladden, pour quelques jours, à Atlantic City. Et c’est durant ces quelques jours qu’il rencontre Della. Une femme avec qui tout va vite…

La belle ordonnance du thème de la reconnaissance se trouvait compromise. Le schéma initial se brouillait et menaçait de faire place à un nouveau schéma plus puissant. C’était une autre drogue, une autre religion. C’était la force indéfinissable qui l’avait lié au regard de cette femme…

Vous l’avez compris, c’est une nouvelle fois un homme pris entre deux femmes que nous donne à lire Goodis. Della, beauté et femme fatale, et Gladden, celle avec qui il a toujours été. Le même schéma qu’avec le roman précédent, Rue Barbare, ou ceux d’avant, Obsession ou encore Cassidy’s Girl. Le même qu’avec son tout premier, Retour à la vie, mais dont il s’était parfois échappé. Il nous offre le même schéma et il le transpose dans un nouvel univers et cela qui fait toute la saveur des romans de Goodis, l’univers dans lequel il installe ses protagonistes, dans lequel il les fait graviter, avancer.

Cette fois, c’est un thème ultra classique, celui d’une bande de voleurs, parfaitement organisée, qui se grippe. Un thème qui n’était peut-être pas ultra classique à l’époque où Goodis l’écrivit mais qui l’est devenu… C’est peut-être pour ça que j’ai moins accroché à l’intrigue. Le héro perdu, se laissant mener par les événements, se laissant berner par les uns et les autres. Séduit puis reprenant ses esprits. Tout cela m’a paru moins intéressant. Juste une figure de style que l’on déplace, une structure narrative que l’on exploite encore et, cette fois, sans rien lui apporter de nouveau. L’exercice de style constitue peut-être le seul intérêt du bouquin, savoir comment Goodis va une nouvelle fois nous raconter la même histoire… ce qui est après tout, le propre des écrivains et des plus grands. Ecrire sans cesse la même histoire. Cette fois, ça n’a pas pris, ça sera peut-être pour le prochain.

A noter que la traduction qui date de la grande époque de la “série noire”, celle qui voulait à tout prix faire rentrer les bouquins traduit dans une langue bien à elle, échappe à cette volonté. On sent, bien ici ou là, un élan vers le vocabulaire tant prisé à l’époque mais les tentatives retombent, comme si le texte ne donnait aucune prise à cette volonté… Peut-être la force du style de Goodis ? Ou la force d’un traducteur qui a résisté à la commande de son éditeur ?

Le prochain, d’ailleurs, paraît la même année et deviendra chez nous, quelques décennies plus tard, La lune dans le caniveau.

David Goodis, Chester Lawrence et la Rue

En 1952, la même année qu’Obsession, toujours directement en poche, paraît Street of the Lost. Ce roman fait parti de ceux qui ne nous parviennent qu’une trentaine d’années plus tard, lors du retour en grâce d’un auteur dont on dit pourtant qu’il est surtout reconnu chez nous… C’est en 1980 que Clancier-Guénaud en publie sa traduction par Michel Lebrun, sous le titre Epaves. Quatre ans plus tard, il sera adapté par Gilles Béhat, avec l’aide de Jean Herman pour le scénario, sous un titre qui sera adopté pour les publications suivantes, Rue barbare. Une adaptation musclée, libre, qui ne m’a pas laissé un souvenir impérissable, mais qui aura au moins eu le mérite (de mon point de vue) de donner à Bernard Giraudeau l’occasion de montrer qu’il pouvait être un acteur de film noir, ce qu’il confirmera assez remarquablement (toujours de mon point de vue) quelques années plus tard avec Poussière d’ange d’Edouard Niermans.

Chester Lawrence rentre chez lui après le travail. Il est soudeur, réparateur de rails. Il parcourt Ruxton Street, la Rue, comme chaque soir. Sauf que, cette fois, il est appelé par une femme, étendue sur la chaussée. Sauf que, cette fois, sans savoir pourquoi, il répond à cet appel, lui qui ne s’est jamais Rue barbare (Clancier-Guénaud, 1952)mêlé de ce genre d’affaire. Lui qui garde un profil bas, qui reste indifférent à tout ce que la Rue peut engendrer comme violence.

Il avait profondément imprimé dans son esprit que la Rue ne réussirait jamais à le corrompre. Mais tout aussi profondément, il avait conscience qu’il ne pourrait jamais s’en évader.

C’est une petite chinoise, en tenue d’infirmière, une nouvelle habitante de Ruxton Street qui l’interpelle et, après avoir hésité, il l’aide à se relever. Elle a été attaquée mais elle l’assure que tout ira bien et il poursuit son chemin. Jusqu’à chez lui, jusqu’à sa femme Edna et sa belle-famille qu’il entretient. Une famille de bons à rien, d’alcooliques. Plus tard, alors qu’il s’apprête à manger, assis chez Sam, en face d’Edna, il voit, à travers la vitrine du bar, la petite chinoise qui avance lentement, très lentement, et qui tombe à nouveau. Cette fois, c’est Sam qui court la relever. Sam, un autre exemple d’homme qui a appris à fermer les yeux, à ne rien voir, ne rien savoir de la violence qui règne dans la Rue. Leurs certitudes vont être mises à mal. Peut-on vraiment fermer les yeux sur tout, devenir invisible ?

Aucun homme n’est partout, chaque homme est quelque part.

Quelques minutes plus tard, Hagen pénètre dans le troquet et demande à Chester “Chet” Lawrence de ne pas se mêler de cette histoire. Qu’il a des vues sur la petite chinoise et que ce qu’il lui a fait subir ce soir n’est qu’un prélude…

Le passé de Chet lui revient alors, ce passé qu’il a enfoui bien au fond de sa mémoire, ce passé dont il ne veut plus se souvenir. Ce passé dont Hagen fait partie, un passé de petite délinquance, dont il s’est éloigné avant qu’elle ne devienne trop grave. Hagen, lui, a continué. Devenant petit à petit celui qui règne sur Ruxton Street. Celui qu’il faut redouter, celui dont on doit avoir peur… mais Chet n’a pas peur et il accepte de le retrouver plus tard chez Bertha. Bertha, un autre retour vers le passé.

C’est une intrigue ramassée, concentrée sur quelques heures, deux jours à peine, que nous propose Goodis avec ce huitième roman. Les retours en arrière sont peu nombreux, juste suffisants pour comprendre Chet Lawrence, le personnage central. Personnage qui est de chaque page, quasiment de chaque ligne. Un personnage qui semble happé malgré lui dans une histoire dont il ne veut pas, même si sa vie n’a rien d’enviable. Un personnage de la Rue, cette Ruxton Street dont David Goodis fait un des pivots de son roman. Cette rue qui modèle ceux qui y vivent…

A quoi ça sert, l’école ? Tout ce qu’on apprend, c’est dans la Rue. C’est la Rue le seul grand tableau noir que personne n’efface jamais, et qui donne toutes les leçons imaginables, tous les bons points et toutes les punitions.

Nous sommes d’emblée dans cette ambiance de misère, de survie au jour le jour, que Goodis avait déjà approchée, une fois directement, avec Cassidy’s Girl. A d’autres reprises, il y était arrivé, ou s’en était approché, pour en repartir comme avec Obsession ou La garce. Nous sommes de plein pied dans ce bas-quartier de Philadelphie, un bas-quartier où l’on nait, où l’on vit puis on meurt. Le quartier de Chester Lawrence. Chester qui, pour survivre, a choisi de raser les murs mais qui, comme d’autres personnages de Goodis, va tout à coup se réveiller et être tiraillé entre trois femmes, Edna, sa femme, Bertha, l’amie d’enfance oubliée et la petite chinoise, déclencheur de l’intrigue.

Le roman de Goodis monte en puissance mais, pour la première fois, il est habité dès le début par la violence. Une violence qui semble être dans les gènes de beaucoup d’habitants de la Rue, les ruxtoniens comme Goodis finit par les appeler.

C’est au final un roman prenant, résolument noir, qui s’inscrit parfaitement dans l’évolution du romancier, dans son œuvre. Une confirmation. Un roman qui fait parti de ceux qu’il faut lire. Un auteur qui fait parti de ceux qu’il faut lire, un de ceux qui ont marqué le roman noir de leur empreinte.

Toujours sur un rythme élevé, Goodis publie deux romans l’année suivante, en 1953, Le casse puis La lune dans le caniveau.