Satoshi Kon à l’œuvre

Satoshi Kon a réalisé son premier long métrage après avoir fait ses armes auprès de mentors qui sont des références dans le monde du manga animé, Katsuhiro Otomo et Mamoru Oshii…

Et, comme je l’ai dit précédemment, c’est une réussite. Adapté d’un roman de Yoshikazu Takeuchi, Perfect Blue (1997) Perfect Blueest un thriller malade, hallucinatoire, qui joue sur la perception, notre perception et celle des personnages. Une jeune vedette de la pop nippone décide de passer à autre chose, de devenir actrice… mais la voilà aux prises avec ses fans, qui ne veulent pas la voir arrêter, et un serial killer. Nous sommes dans des perceptions, Kon joue avec les images au point de nous faire perdre nos repères comme ses personnages les perdent. La folie guette la jeune femme et nous sommes en plein dedans. Ce jeu sur les images, sur nos sens n’est, à mon avis, possible qu’avec les images animées, je ne sais pas comment cela aurait été possible avec des acteurs en chair et en os. Kon exploite les possibilités du dessin au point de nous donner une œuvre si proche, pour moi, d’un roman où notre imaginaire est plus libre mais peut-être plus malléable.

C’est une œuvre prenante, éprouvante, mais un film à ne pas manquer… On pense parfois à David Lynch. Et les dessins de Kon sont au diapason, pas de point faible. Un film à voir et à revoir tant qu’on peut.

En 2001 arrive sur les écrans sa deuxième œuvre, il s’agit de Millenium Actress. Il s’agit de nouveau d’une œuvre hors norme, ambitieuse et particulièrement réussie. Kon exploite à nouveau les possibilités de l’image et semble pouvoir Millenium actressrendre ses possibilités infinies… C’est une histoire à priori simple mais dont le traitement est tellement en adéquation avec son sujet que c’est de nouveau une œuvre incontournable, marquante que nous offre le réalisateur japonais.

Après avoir traité de la porosité entre la réalité et l’imagination, la réalité et sa perception, Kon traite ici de la porosité entre la réalité et sa représentation.

L’histoire d’une actrice, son histoire à travers l’histoire japonaise, est racontée en nous faisant parcourir en même temps l’histoire du cinéma japonais. Chaque étape, chaque pan de la vie de l’actrice, nous est montré sous la forme d’un style phare du cinéma japonais. Et nous parcourons l’histoire d’un pays visuellement par l’histoire de son cinéma… C’est enivrant, bluffant… Magistral (on peut le dire), captivant époustouflant.

A voir, à voir, à voir.

Le film suivant ne se fait pas attendre et atteint les toiles du grand écran deux ans plus tard.

Tokyo Godfathers est un film à l’intrigue plus classique. Cette intrigue peut d’ailleurs rappeler celle d’un western de John Tokyo godfathersFord avec John Wayne. Un trio trouve un bébé et n’aura de cesse de l’aider… Le trio que nous propose Kon n’est pas le même que dans le film de Ford, il s’agit d’un trio de marginaux et le traitement change également, se rapprochant du burlesque tout en évoquant un autre sujet sérieux, celui de la misère et de l’exclusion. Et ces mondes qui s’entrecroisent, qui vivent habituellement à côté les uns des autres et qui, là, vont se percuter.

Kon nous offre un petit conte de Noël distrayant, en décalage avec ses œuvres précédentes. Mais, j’insiste, c’est une distraction de qualité, jouant avec l’émotion sans jamais tomber dans le larmoyant. Loin de bien des productions états-uniennes du même acabit.

Kon réalise ensuite une série pour la télévision, Paranoïa Agent (2004) où le réel est parasité par le surnaturel, et il Paprikarevient au cinéma en 2006, avec ce qui sera son dernier film, Paprika, adapté d’un roman de Yasutaka Tsutsui. Je ne l’ai pas encore vu mais il semble dans la lignée de ses œuvres précédentes, cette fois, c’est le réel qui pénètre les rêves…

Une dernière fois (avant peut-être de revenir sur ses deux dernières œuvres quand je les aurai vues), Satoshi Kon est à mon avis un auteur rare, avec un univers bien à lui, un univers dans lequel il ne faut pas hésiter à pénétrer.

Satoshi Kon dans ma toile

Ma rencontre avec l’œuvre de Kon s’est faite de manière assez classique, finalement, comme c’est peut-être souvent le cas pour les réalisateurs. Chez moi, du moins.

J’ai tendance à aimer satisfaire ma curiosité, ce fut le cas, une fois de plus, ce soir-là. Consultation du magazine télé, choix d’un programme, ce jour-là, c’était possible. Il y avait une soirée spécial manga (j’en suis sûr et je peux le prouver, j’en ai un enregistrement sur cassette vidéo, un antique moyen de conserver les images qui bougent) et on nous proposait, sur une chaîne française payante et cryptée, de passer en revue la production récente de ce genre, venu du soleil levant, au travers de trois fictions. C’était il y a quelques années… Et dans la production récente se trouvait le premier long métrage de Satoshi Kon, Perfect Blue. Je suis resté ébahi pendant la petite heure et demie qu’il dure…

Les dessins m’ont emmené dans un univers particulièrement angoissant, un univers hanté par l’esprit, les pensées d’une jeune héroïne, chanteuse à succès ayant décidé de devenir actrice. Nous pénétrons son cerveau malade et sommes devant des images qui nous racontent comment elle sombre petit à petit dans la folie sans que toutefois nous comprenions ce qui se passe exactement. Le jeu sur les apparences, sur la frontière entre réalité et imagination est vraiment réussi… et stressant, affolant. Un polar matiné de thriller, le genre de film qui a parfaitement sa place dans la série que j’évoque sur ce blog. Un polar matiné de thriller d’un niveau assez rarement croisé.

Après cette première très réussie, je n’ai plus voulu rater un film de cet auteur japonais si spécial. J’ai donc vu avec grand plaisir Millenium Actress, Tokyo Godfathers et la prochaine étape sera Paprika. Il me faudrait également voir sa série Paranoïa AgentIl n’a pas réalisé beaucoup de films mais chacun d’entre eux est une perle.

Je reviendrai très prochainement sur chacune des étapes de son œuvre.

Satoshi Kon rattrapé par la Toile

Si je parle aujourd’hui de Satoshi Kon, c’est un peu parce qu’il vient de disparaître et que je pense qu’il mérite qu’on s’y arrête. Je l’aurai évoqué un jour ou l’autre. Ce sera maintenant.

Sur la toile, ce mangaka, devenu réalisateur de films d’animation, est bien sûr présent du fait de son décès récent à 46 ans, mais il ne l’est pas tant que ça en français. Moins populaire dans notre pays qu’un Miyazaki par exemple. Les quelques sites sur lesquels je me suis arrêté proposent une présentation intéressante de cet auteur. Des sites qui présentent à leur tour des liens, notamment vers des images animées, des extraits ou des bandes-annonces de ses longs métrages visibles sur Dailymotion notamment.

Télérama retrace son œuvre en oubliant l’une d’entre elles, Millenium Actress, preuve, une fois encore, du peu de notoriété de ce grand auteur de ce côté-ci de la Terre…

Heureusement, d’autres sites de périodiques parlent de manière plus complète de ses films, en l’occurrence, le quotidien 20 minutes qui nous offre un parcours rapide de l’ensemble de ses œuvres réalisées pour le cinéma.

Je leur préférerai quelques autres pages écrites par des connaisseurs, semble-t-il plus pointus, de l’auteur et de son œuvre. En commençant, eh oui, par Wikipédia, dont l’article est assez intéressant parcourant sa vie artistique et décryptant son style, ou, en tout cas, tentant de le faire…

Les deux articles les plus intéressants sur l’œuvre de cet auteur oublié par l’Encyclopediae Universalis sont, à mon avis, celui du Dino bleu, un blog à parcourir, et celui du site Manga-News vraiment très complet.

La disparition de Satoshi Kon était tellement passée inaperçue de ce côté-ci de la planète (de ce côté-ci de mes pérégrinations en ligne) qu’il a fallu un article suggéré en lien sur la référence du cinéma mondial, IMDB, pour que j’apprenne la nouvelle. Il s’agissait d’un blog proposant la traduction (en anglais) du dernier message rédigé par Satoshi Kon quelques jours avant sa mort. Ce blog propose également l’un des derniers messages de Kon évoquant les 100 films choisis par lui et l’équipe de son dernier film, celui sur lequel il travaillait avant de disparaître. Son dernier message a, depuis, été traduit dans la langue de Molière, c’est ici. J’avais vraiment trouvé ce message touchant, émouvant…

Je reviendrai sur ma rencontre avec son œuvre prochainement.