John Harvey, Frank Elder dernière

En 2014 du côté de Nottingham, en 2015 par chez nous, nous avions vu arriver sur les étagères des librairies ce qui était annoncé comme le dernier roman de John Harvey, Ténèbres, ténèbres. C’est ce que le romancier avait confirmé ensuite. Il concluait alors sa série sur Charlie Resnick et annonçait qu’il allait voguer vers d’autres horizons littéraires.
Pourtant, en 2018 est paru un quatrième opus d’une autre série, celle consacrée à Frank Elder. Quatrième opus de ce que j’avais cru être une trilogie, les trois romans, De Chair et de sang, De Cendres et d’os et D’Ombre et de lumière,consacrés à ce flic à la retraite ayant été publiés à la suite, le fait qu’il s’en soit éloigné m’avait fait penser qu’il n’y reviendrait pas. Le titre de ce nouvel épisode, de l’autre côté de la Manche, est Body and Soul. Il vient d’arriver aux devantures des meilleures dealers de bouquins du pays sous le titre de Le Corps et l’âme, après être passé sous la plume traductrice de Fabienne Duvigneaux. On ne change pas les bonnes habitudes avec un titre qui fleure bon le jazz si prisé par Resnick, moins par Elder, et le standard des années 30 que les amateurs connaissent sans doute à travers les versions qu’en ont donné Ella Fitzgerald ou Billie Holiday.

Dans sa Cornouailles d’adoption, Frank Elder accueille Katherine, sa fille. Ses visites ne sont pas si fréquentes pour qu’il ne savoure pas ce moment. Même si il ne peut s’empêcher de redouter la raison qui l’a poussé à venir chez lui pour quelques jours. En effet, des bandages à ses poignées ne le rassurent pas. Son caractère étant ce qu’il est, il ne peut s’empêcher de demander ce qu’il s’est passé… Il ne réussit pas à tirer les vers du nez de Katherine et elle repart pour Londres plus tôt que prévu.
Après une petite enquête, il réussit à comprendre qu’elle a vécu une liaison avec un peintre ayant une certaine renommée et que ça ne s’est pas bien fini.
Nous apprenons en parallèle comment la rencontre a eu lieu, Katherine devenue modèle pour des cours de dessins, repérée par Anthony Winter, sollicitée pour poser pour lui, des nus plus dérangeant. Après avoir refusé, elle finit par accepter.
Tentant de vivre sa vie habituelle, entre balades et concerts dans des pubs donnés par une bande dont il s’est rapproché de la chanteuse, entre soirée avec Vicki, la chanteuse justement, ou Cordon, flic du coin. Mais Elder ne peut pas ne pas se mêler de ce qui le chamboule et l’état de sa fille ne le rassure pas, tombée dans la surconsommation d’alcool puis la scarification, il voudrait se raisonner mais c’est plus fort que lui.
Réussissant à assister au vernissage de la dernière exposition de l’artiste, découvrant les tableaux qu’il a peint de sa fille, il ne peut se contenir et lui envoie son poing dans la figure tant qu’il le peut avant d’être lui-même molesté par le service de sécurité de l’exposition.

Nous sommes de retour dans la vie d’Elder et l’univers de Harvey. Cordon, le flic du coin, nous est familier, croisé dans Le Deuil et l’oubli puis Lignes de fuite. Comme toujours Elder ne supporte pas l’inaction et il s’emporte facilement, les nerfs à fleur de peau, plus sanguin que Resnick. Quand, à travers les tableaux de Winter, il revoit le calvaire subi par sa fille sept ans auparavant, toutes les souffrances qu’il n’a jamais réellement surmontées affleurent de nouveau. Pour elle aussi.
Quand le peintre est retrouvé mort dans son atelier, l’histoire prend une autre tournure. L’enquête gravitant autour de sa fille le mobilise. Avant qu’une autre ne tombe, éprouvante, concernant une évasion et pour laquelle il est sollicité, Elder continuant de temps à autre à prêter main forte à ses anciens collègues. Comme Resnick.
L’univers d’Harvey est là, donnant toute sa place à l’enquête menée par Alex Hadley, une enquêtrice à la tête d’une équipe de la criminelle. Il laisse également toute sa place à son personnage récurrent difficilement maître de ses émotions, abîmé, faisant encore une fois des allers et retours entre la Cornouailles et Londres ou Nottingham.

Ce livre est une madeleine de Proust, nous rappelant ce que nous avons lu du romancier, cette œuvre qui nous a tellement émus, captivés. Dont nous attendions chaque nouveau bouquin avec une certaine impatience et que nous savourions en attendant le suivant.
Cette une madeleine savoureuse, avec tous les ingrédients que nous aimions et toujours cette empathie, cet intérêt pour les sentiments dans un monde âpre, sans douceur autre que celles que l’on apprend à découvrir soi-même. Avec une pointe d’art, la peinture qui a déjà occupée le premier plan d’autres fictions que sa plume a concoctées.
Elder reste un cousin de Resnick moins maître de ses émotions, moins convaincu de l’intérêt d’essayer d’être policier dans le monde que nous connaissons.

Je ne sais pas ce que nous pouvons souhaiter pour la suite. Harvey reviendra-t-il nous distiller l’un de ses romans que nous aimons tant ou en a-t-il fini avec son œuvre romanesque, ces romans noirs que nous aimons ? Le temps d’un livre, il nous a en tout cas redonné ce plaisir que nous avions à le lire, rappelé quel auteur il est, si pétri d’humanité.
En a-t-il fini avec Cordon, un autre de ses personnages attachants, ou avec Grayson et Walker ? Je ne suis plus sûr. Les adieux vont-ils se poursuivre ?

John Harvey, Karen Shields, Cordon et le crime organisé

En 2012, John Harvey publie un dix-huitième roman sous son nom, Good Bait. Il nous arrive deux ans plus tard, traduit pour la première fois par Karine Lalechère, sous le titre de Lignes de fuite. Bien qu’en dehors de ses séries, Resnick, Elder ou Grayson et Walker, il reste dans l’univers du romancier, son titre original le souligne, référence à une chanson, et nous y retrouvons des personnages croisés précédemment.

Un corps a été retrouvé, sous la glace d’un étang, à Hampstead Heath, le corps d’un jeune homme. Karen Shields, réveillée en pleine nuit pour se rendre sur place, y croise son divisionnaire qui dînait dans le coin et en profite pour lui demander si elle n’est pas trop surchargée de travail. Il est vrai que les affaires s’accumulent, un double meurtre à Holloway, un meurtre par balle à Walthamstow et un autre meurtre à Wood Green. A l’approche de Noël, il n’y a pas de quoi s’ennuyer. Mais c’est son lot habituel. Epaulée par Ramsden, elle mène les différentes enquêtes. Le mort de Hampstead Heath a bientôt un nom, Petru Andronic, un moldave arrivé récemment à Londres.

En Cornouailles, Cordon, en charge de la police de proximité, est réclamé par une femme, Maxine Carlin. Bien que dans un état second, elle a tenu à le voir pour lui demander s’il pouvait l’aider à retrouver sa fille. Rose, qui se fait désormais appeler Letitia, a été proche de Cordon, promenant son chien pendant une période. Puis, cette drogue qui exerce son emprise sur sa mère l’a à son tour happée. Mais Letitia est majeure et ce type de recherche n’est pas du ressort de Cordon. Il essaie de rassurer Maxine, promettant vaguement d’effectuer quelques recherches. Il va s’y intéresser vraiment en apprenant la mort de Maxine, à Londres, passée sous une rame de métro.

Nous suivons les deux personnages en alternance. Karen Shields, déjà croisée dans De cendres et d’os puis dans Cold in Hand, dirige son équipe en s’impliquant dans les différentes enquêtes. D’autres vont s’y ajouter.

Cordon, croisé dans Le deuil et l’oubli, se colle à son affaire, en dehors du boulot. Il prend un congé sans solde pour en savoir plus sur Letitia puis l’aider à se protéger d’un homme, le père de son fils, qui ne veut pas qu’elle l’en sépare.

Nous passons de la Cornouailles à Londres, de l’Angleterre à la Bretagne pour une rapide incursion.

Karen Shields finit par hériter d’une affaire sordide, règlement de compte de règlement de compte, qui intéresse plusieurs services et qui se rapproche de celle de Cordon. Les enquêtes évoluent, en parallèle, les policiers se débattent sans toujours parvenir à avancer, ils patientent, espérant débusquer l’indice qui leur permettra de les résoudre. Les enquêtes avancent en parallèle, celle de Cordon et celles de Shields, sans jamais se rejoindre. Lorsqu’elles se croisent, les flics ne sont pas là…

C’est de nouveau un roman prenant, sensible, que nous offre John Harvey. Un roman délicat, qui prend son temps et laisse les relations entre les personnages évoluer, s’enrichir. Avec deux protagonistes principaux qui connaissent leur métier mais qui semblent beaucoup moins sûrs d’eux dans le privé, dans leurs sentiments, leurs désirs. Nous avions connu ces traits de caractère dans leurs apparitions précédentes. Leurs métiers ne leur permettant que difficilement d’avoir une relation suivie, à l’instar d’un Franck Elder ou d’une Helen Walker.

Cette indécision, cette difficulté à gérer leur vie intime, ne les empêche pas de faire preuve de patience et de caractère dans les enquêtes qu’ils mènent. Faisant preuve de la même compassion que leur auteur. Ou que celles et ceux qui les ont précédés sous sa plume.

Deux ans après ce roman réussi, John Harvey revient une dernière fois du côté de Resnick avec Ténèbres, ténèbres.

John Harvey à la conclusion de la trilogie Frank Elder

Le dernier volet des aventures de Frank Elder paraît en 2006 et s’intitule Darkness and light. Il deviendra D’ombre et de lumière en traversant la Manche et après la traduction de Jean-Paul Gratias, en 2008.

Frank Elder vit toujours en Cornouailles. La solitude lui convient. Il saute quand même sur l’opportunité que son ex-femme lui offre de revenir à Nottingham. Nottingham, la ville dont il s’est enfui, reste celle qui abrite sa fille, Katherine, peut-être la seule D'ombre et de lumières (Payot & Rivages, 2006)personne qui lui manque. Peut-être…

Joanne l’appelle pour lui demander s’il veut bien mener une recherche. Celle de Claire, la sœur disparue d’une de ses amies, Jennie. Elder mène l’enquête, une enquête mise de côté par la police, les personnes adultes ayant, après tout, le droit de disparaître. De partir refaire leur vie loin de ceux qu’ils connaissent. Alors qu’il fouille et piste, il découvre des aspects secrets de la vie de cette femme, veuve vivant seule. Mais, tandis qu’il déterre des vérités cachées, Claire est retrouvée là où elle n’était plus. Chez elle, dans son lit, sans vie… Et cette affaire, sa mise en scène, lui en rappelle une autre. Un échec survenu huit ans plus tôt alors qu’il arrivait à Nottingham. Une nouvelle fois, Elder collabore avec la police, avec son ancienne collègue, Maureen Prior.

Nous retrouvons le flic retraité avec plaisir, ses questionnements deviennent les nôtres.

Dans ce troisième opus, le champ se resserre sur la famille d’Elder et sur les quelques suspects qu’il avait déjà interrogés. Elder navigue des uns aux autres, se rapprochant pour mieux les connaître de l’entourage de ceux qui pourraient être impliqués dans les deux meurtres si semblables, se répondant comme en écho.

L’atmosphère s’installe, l’intrigue avance lentement, au gré des dialogues, des interrogations d’Elder et de Prior, son ancienne adjointe dont il se rapproche, cette adjointe qui a érigé des remparts autour de sa vie privée mais dont on sent la fragilité malgré tout.

Cette suite semble être isolée des deux précédentes aventures, certains personnages que l’on s’attendait à croiser ne sont pas là. Les deux enquêtes précédentes paraissent lointaines.

John Harvey s’est focalisé sur son personnage central, lui offrant une évolution plus importante. Le forçant presque à s’occuper de lui. Le forçant à regarder ses proches, à écouter ce qu’on lui en dit, alors que jusqu’ici, malgré les coups qu’il encaissait, il traversait les histoires en tentant de ne pas s’y impliquer plus que nécessaire.

John Harvey semble lorgner du côté de Charlie Resnik, croisé dans un bar par Elder, notamment au travers d’un de ceux avec qui il a collaboré plusieurs fois, Anil Khan, fraîchement débarqué dans l’équipe de Maureen Prior… Une nouvelle fois, ce sont plusieurs affaires qui vont être résolues. Une nouvelle fois, les intrigues s’imbriquent et John Harvey nous embarque à sa suite, nous poussant à tourner les pages. Il y a une certaine addiction dans la lecture de cette trilogie. Une addiction dont il nous faudra nous défaire… en revenant du côté de Charlie Resnik pourquoi pas, à la suite du romancier. Charlie Resnick dont il s’est d’ailleurs rapproché dans cet opus en nous offrant comme un écho de sa première apparition, Cœurs solitaires.

Avant de repartir, avec Cold in hand, du côté de Charlie Resnick, dont il ne s’est au final pas complètement démarqué avec Frank Elder, John Harvey se déplace jusqu’à Cambridge, à la suite de deux nouveaux personnages, Helen Walker et Will Grayson, pour Traquer les ombres.

John Harvey, Frank Elder sort de sa retraite

En 2004, John Harvey donne naissance à un nouveau héro récurrent, Frank Elder. Le premier roman dans lequel il apparaît s’intitule Flesh and blood. Il nous arrive en 2005, traduit par Jean-Paul Gratias, sous le titre de De chair et de sang.

Harvey n’y tourne pas le dos à ce qu’il a déjà écrit, Elder croisant même Charlie Resnik, nous en donnant des nouvelles, notamment sur sa relation avec Lynn Kellogg et ce choix professionnel qu’il s’apprêtait à faire. Harvey ne change pas radicalement d’univers mais de point de vue sur le monde qu’il décrivait jusque là.

Elder est un ancien flic. Un inspecteur ayant pris sa retraite dès qu’il le pouvait pour s’en aller loin de la ville où il vivait. Plusieurs raisons à son départ, la principale étant son divorce, sa femme, Joanne, vivant désormais avec l’amant qu’elle avait depuis des De chair et de sang (Payot & Rivages, 2004)années. Il voulait vivre loin du couple, s’éloignant ainsi à contrecœur de sa fille, dommage collatéral malheureusement inévitable. Elder est parti après son divorce, il a quitté la police, peu convaincu qu’elle ait encore besoin de ses services. Bien maigres services. Une affaire lui reste notamment en travers de la gorge, une affaire qu’il n’a pas su résoudre à l’époque, quelques quatorze ans plus tôt. La disparition d’une jeune fille, Susan Blacklock. Disparition attribuée à un duo de criminels mais le corps de la victime n’a jamais été retrouvé, contrairement à la promesse que Frank Elder avait fait à ses parents.

Exilé en Cornouailles, Elder vit en ermite et ressasse son impuissance. Il y accueille sa fille, Katherine, qui l’entend crier au milieu de son cauchemar récurrent, celui qui l’éveille si souvent… Sa fille repartie, une ancienne collègue, Maureen Prior, l’appelle pour l’informer de la libération de l’un des deux suspects dans la disparition de Susan Blacklock, Shane Donald. Elder fait des allers retours entre son nouveau lieu de vie et Nottingham, la ville où il vivait. Il fait des allers retours pour voir sa fille courir mais également pour rester informé de la libération de Donald. Il décide alors de repartir à la recherche de l’adolescente disparue. Elle avait l’âge qu’a maintenant sa fille, à peu de chose près. Et le livre est hanté par ces jeunes filles de quinze, seize ans, et leur vie. Leurs amours, leurs passions. Le théâtre pour Susan, l’athlétisme pour Katherine. Elder reprend le collier, croisant la mère de Susan, d’abord pour lui-même, puis officiellement quand Donald disparaît et qu’une autre adolescente ne donne plus signe de vie…

Le suspens est au rendez-vous, l’enquête, les enquêtes, touchent particulièrement Frank Elder. Il s’implique pour cette histoire qui l’amène à se poser des questions sur la vie des adolescentes de l’âge de sa fille. Ces adolescentes fréquentant parfois certains de leurs professeurs, plus libérées qu’il ne l’imagine, mais en même temps toujours fragiles. Il s’implique dans cette enquête qui en révèle d’autres. Plusieurs histoires qui s’entrecroisent, se répondent, cohabitent. Avec la violence inhérente à certaines d’entre elles… violence que subissent les adolescentes…

Sans en avoir l’air, John Harvey touche. Elder est un homme ordinaire, faisant au final bien son métier, mais un homme assailli par le doute, à l’instar d’un Charlie Resnick avant lui. Il doute, mais au contraire de cet ancien collègue emblématique, il souffre davantage, dans sa chair, dans son sang, sa vie privée prenant une place beaucoup plus importante. Il n’a pas le recul de Resnick, pas ce détachement qui était peut-être devenu un frein pour le romancier, pour donner plus de profondeur à sa personnalité. Cette humanité qui est l’une des particularités de l’écrivain s’applique ici en premier lieu à son personnage principal. Un personnage qui fait preuve d’empathie et pour lequel son créateur en montre également énormément. John Harvey touche, dans un style classique, une construction rigoureuse et Elder finira par être rattrapé par certaines de ses angoisses, malgré tous ses efforts. Cette faiblesse, cette sensibilité dont faisait déjà preuve son prédécesseur sont exacerbées chez lui, une souffrance que j’ai trouvée plus prégnante que pour Resnick. Une souffrance qui n’est pas vécue par procuration…

Un an après sa première aventure, une aventure particulièrement âpre, violente et destructrice pour Elder, l’ancien flic est de retour. De l’autre côté de la Manche, ça s’appelle Ash and Bone et, de ce côté-ci, De cendre et d’os, toujours traduit par Jean-Paul Gratias.

Nous commençons par suivre Maddy Birch, une ancienne collègue d’Elder, croisée dans le premier opus. Une collègue dont il ne se souvient pas uniquement pour des raisons professionnelles, un baiser poussé, sous un porche, au sortir d’une soirée arrosée continue de le poursuivre. Maddy Birch a été mutée à Londres et elle y participe à l’arrestation de James Grant, bandit notoire queDe cendre et d'os (Payot & Rivages, 2005) son chef, l’inspecteur divisionnaire Mallory, tue, devant ses yeux, après que le délinquant ait touché mortellement un jeune coéquipier. Grant avait-il encore une arme en main quand le flic a fait feu ? Birch n’en est pas sûre mais un revolver est trouvé près du cadavre. Une enquête est ouverte, comme il est habituel dans ces cas-là. Birch se confie à sa meilleure amie, Vanessa Taylor, une collègue rencontrée lors d’une formation et habitant à deux pas de son appartement.

Maddy Birch mène une vie sans relief, en l’absence d’une relation stable, d’une vie en dehors de son boulot, presqu’un double de Lynn Kellogg dans la série Resnick… En attente. Mallory et son adjoint la serrent de près au cours de la contre-enquête. Mais ils n’ont plus à le faire quand le corps de Maddy Birch est retrouvé, sans vie, dans un chemin en contrebas d’une rue.

L’enquête, confiée à Karen Shields et son équipe, ne progresse pas vite. Le renfort de Frank Elder est finalement accepté, lui qui faisait pression pour en être partie prenante. Il continue à vivre en ermite en Cornouailles mais s’installe à Londres le temps qu’il faudra. Ses relations avec sa fille sont plus difficiles après l’affaire qui a failli lui coûter la vie et qui a laissé des marques. Dans sa chair et dans son esprit. A l’instar de la fille de Skelton, le chef de Resnick, Katherine traîne avec des personnes pas forcément fréquentables, pas de celles qu’elle aurait côtoyées auparavant.

Une nouvelle fois, l’histoire effectue des allers retours, comme Elder, entre Londres et Nottingham. Entre son retour temporaire à sa profession et sa famille, brisée, en souffrance. Des deux côtés, une intrigue se déploie, une intrigue policière. Deux intrigues qui touchent Elder et qui touchent à sa profession. Après les adolescentes fragiles et en quête d’indépendance, se cherchant, cette fois, c’est la police et ses côtés inavouables, ses brebis galeuses qui sont mis en avant, rappelant en cela Derniers sacrements. A l’opposé d’hommes plus intègres exerçant également dans ses rangs, tel Charlie Resnik venant à l’occasion prêter mains forte, et tentant de contenir ces mauvais sujets…

Elder traverse les événements, arcbouté, encaissant sans chercher à s’épancher sur une épaule. Même si, comme dans le roman précédent, l’une d’entre elles se présente, l’accueille, le réconforte. Mais rien n’est sûr pour Frank, ses relations avec les femmes moins encore que les relations des humains entre eux.

Le suspens gagne en force au fur et à mesure des pages, nous prend. L’humanité du propos également, l’intime de la vie du personnage central…

Après ces deux opus, John Harvey n’en a pas fini avec Elder. Il va revenir dans D’ombre et de lumière.