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Horace McCoy, Mike Dolan contre les frilosités d’un journalisme corrompu

En 1937, Horace McCoy signe son deuxième roman, No Pockets in a Shroud. Son contenu gênant encore plus sérieusement aux entournures ses compatriotes que le premier, On achève bien les chevaux, il ne trouve d’abord un éditeur qu’en Angleterre. Il est traduit en 1946 par Sabine Berritz et Marcel Duhamel, devenant Un Linceul n’a pas de poches. Il ne paraîtra que dix ans après aux Etats-Unis, McCoy le réadaptant, se battant en vain pour qu’il ne s’agisse pas d’une version expurgée.

 

Dolan, journaliste au Times Gazette, est une nouvelle fois convoqué dans le bureau du directeur, Thomas. Son dernier article va encore être refusé et son patron en profite pour lui reprocher les dettes qu’il a un peu partout, mauvaise image pour le quotidien. Devant l’absence d’arguments pour lui expliquer cette nouvelle non publication d’un de ses papiers, Dolan décide de plaquer le journal. Une envie qui le chatouillait depuis longtemps. Il sait pertinemment que la seule raison de la mise au panier de ses articles est la collusion de son journal avec les édiles et autres détenteur des pouvoirs dans sa ville, Colton.

Je connais l’esprit de tous les journaux de la ville. Je connais l’esprit de tous les sacrés bon dieu de journaux du pays, rien dans le ventre, pas ça de cran ni les uns ni les autres.

A peine sorti, il réfléchit à un nouveau projet puis se rend au Petit Théâtre pour une répétition de la troupe amateur dont il fait partie. Il passe les heures suivantes avec l’une des actrices, sa maîtresse, sur le point de se marier avec un autre, sa famille n’estimant pas Mike comme un suffisamment bon parti.

Dolan décide de créer sa propre publication, ce sera le Cosmopolite. Après avoir trouvé un financeur, l’un des membres du Petit Théâtre, et un imprimeur, il peut se consacrer, avec l’aide d’une femme qui le trouble et qu’il vient à peine de rencontrer, Myra Barnowski, à son premier numéro qui traitera du sujet refusé par son ancien journal, la corruption dans le sport professionnel et la défaite de Colton, tenante du titre en base-ball lors de la finale du championnat. Il sait qu’elle ne s’explique que par des espèces sonnantes et trébuchantes. Son enquête publiée provoque la réaction de la ligue professionnelle et la sanction des joueurs payés pour perdre. Premier numéro, premier scoop et scandale à la clé. Mike Dolan veut écrire la vérité, raconter ce qui se passe vraiment pour faire réagir, et non se contenter d’un journalisme qui n’est plus digne d’en porter le nom, n’ayant comme seul souci que de ne pas froisser, abandonnant la morale à d’autres. Dolan croit en ce métier et veut lui redonner sa véritable dimension, son devoir d’investigation sur des sujets brûlants.

Les réactions aux premiers numéros commencent à peine qu’il pense au deuxième. Il doit nourrir l’hebdomadaire.

 

McCoy nous offre un personnage aux fortes convictions, Dolan ne vit que pour son métier, prêt à tout pour pouvoir l’exercer comme il l’entend, sacrifiant sa vie personnelle à cette quête de la vérité, ce devoir de la raconter. Il pense que le journalisme peut permettre à la ville d’être meilleure, qu’il peut améliorer la société en dénonçant ses travers. Mais il se heurte rapidement aux personnes de pouvoir.

La dénonciation d’un médecin pratiquant l’avortement de manière barbare met Dolan en danger, mais il l’accepte comme un des éléments inhérents à ce boulot, un des dommages collatéraux inévitables.

 

Dolan est un personnage convaincu par ce qu’il fait et en même temps plein de doute quant au reste de son existence. Il multiplie les conquêtes sans réellement s’attacher, vit dans une maison sans en payer le loyer et en subvenant aux besoins des autres colocataires, des artistes sans le sou dans lesquels il croit.

Il doit affronter une certaine réalité, celle du financement de son journal, et en accepte la difficulté. Ses conquêtes, issues de familles riches, lui permettent de trouver des ressources pour son journal. Cet aspect de sa vie lui important peu, il n’y fait pas preuve d’un grand amour-propre.

Mais on ne peut impunément défier les gens de pouvoir…

 

C’est un roman noir, violent, âpre et sans concession avec une société gangrénée par les collusions et la corruption, une société sans morale. Un roman qui passe en revue quelques unes des tares de ses contemporains, le pouvoir de l’argent, les liens entre politique et banditisme, le racisme et ce journalisme qui n’en est plus un…

 

Dans la liste de ses romans, celui qui vient ensuite, J’aurais dû rester chez nous, est publié l’année suivante.

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