Je crois bien être devenu un familier de Lehane de manière somme toute banale. C’était le début de ma période de coming out, je m’étais résolu à reconnaître mon attirance pour le roman noir et j’étais décidé à m’y intéresser sérieusement. J’avais jusque là picoré, lisant presque par hasard une œuvre du genre de temps en temps. Cette fois, je m’y mettais…
Cela ne changea pas foncièrement mes habitudes, je fréquentais toujours les mêmes endroits pas toujours surpeuplés, ces endroits regorgeant de pages, d’histoires, de cette odeur si particulière du papier et de la colle mélangés… Pour ma part, c’était également plutôt des endroits où le neuf avait toute sa place.
Et, donc, dans ma librairie préférée ou dans une autre, je n’hésitais plus à regarder, à longer lentement, les présentoirs de séries pas vraiment claires. Je feuilletais, je humais, je me disais qu’il ne fallait pas se tromper, qu’il fallait continuer à attiser mon intérêt naissant ou enfin reconnu.
Je connaissais déjà Manchette ou Ellroy mais je voulais en dévorer d’autres. Et, là, dans l’une de ces collections qui fait notre bonheur à tous, je vis quelques couvertures intéressantes, elles le sont toujours chez eux. Des couvertures et un titre qui me poussèrent à soulever le volume et à en parcourir la quatrième de couverture… Et, visiblement, il y avait tout, tout ce qu’on cherche dans un de ces bons vieux romans noirs mâtinés de hard-boiled. Un roman avec un privé qui parle à la première personne, un privé revenu de pas mal de choses, amoché et au bord de la déprime… J’avais quelque chose ressemblant à ce que je voulais lire.
Le tiroir caisse sonna et trébucha et j’emportai chez moi les pages collées et noircies… j’espérais en avoir pour un bout de temps avec l’auteur et je fus servi.