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Horace McCoy, évasion et réinsertion pour Ralph Cotter

Le quatrième roman de McCoy connaît, à l’instar des précédents, quelques difficultés à être publié. Il l’est finalement dix ans après le précédent, J’aurais dû rester chez nous, et s’intitule Kiss Tomorrow Good-Bye. Il ne met pas autant de temps à être traduit puisqu’il paraît l’année suivante dans la “série noire”, traduit par Max Roth et Marcel Duhamel, sous le titre Adieu la vie, adieu l’amour…, en étant une nouvelle fois épargné par le style des traductions de l’époque pour la collection. Pas d’argot, pas de coupes.

 

Dans une prison, un homme s’apprête à s’évader. Il a été choisi pour prêter main forte à un autre détenu, Toko, moins aguerri que lui. C’est alors qu’ils sont au champ, à ramasser des melons qu’elle doit avoir lieu. Cotter fait mine d’être malade pour aller récupérer les armes cachées pour eux. Ils se rapprochent ensuite d’un petit bois qui leur permettra de prendre de l’avance sur les gardes à cheval. Puis ils passent à l’action et, tandis qu’ils courent vers ceux qui les attendent un peu plus haut, Cotter tire une balle dans la tête de Toko. Il rejoint ensuite Holiday, la sœur de ce dernier, occupée à canarder ses poursuivants à l’aide d’une mitrailleuse, et le chauffeur engagé pour l’occasion. Ils sèment leurs poursuivants et regagnent la ville pour se cacher.

Cotter fait alors connaissance avec Mason, le garagiste qui a prêté la voiture. Après un petit temps de repos, il se rend dans une épicerie et une idée lui vient pour se remettre financièrement à flot. Il emménage ensuite avec Holiday qui ne lui ouvre pas que son appartement… Leurs relations sont rapidement passionnées pour ne pas dire violentes. Holiday est attirée par tous les hommes qui passent et Cotter ne parvient pas à la convaincre de l’écouter ou, tout simplement, à être convaincant. Le braquage qu’il a imaginé et qu’il réalise avec l’aide de Jinx, l’un des complices d’Holiday, est un succès mais des policiers véreux remontent jusqu’à eux. Cotter refuse de quitter la ville comme ils le lui demandent, sûr qu’il est qu’il rencontrera ce problème partout où il ira. Il veut rester et décide de tout mettre en œuvre pour se faire une place.

 

C’est un polar résolument ancré dans le banditisme qu’a commis McCoy, un roman qui nous offre comme personnage central un homme décidé à lutter pour s’intégrer dans la ville où il a atterrit. Un délinquant ayant de la bouteille et ne crachant pas dessus.

C’est une intrigue prenante et procurant parfois le malaise, notamment dans les relations entre Holiday et Cotter. Des relations dont la violence est excessive, poussée loin, comme si d’autres manières de communiquer n’existaient pas.

Ralph Cotter parvient à faire son trou mais c’est au prix de manœuvres qui l’enfoncent un peu plus à chaque fois. Sans foi ni loi, n’attirant pas la sympathie, c’est un personnage central auquel il est difficile de s’identifier. Un choix à rebours des précédents romans de l’écrivain.

 

Au travers de cette intrigue sombre, désespérée, McCoy nous décrit une société malade, à l’image de celle contre laquelle luttait Mike Dolan dans Un linceul n’a pas de poches. Cette fois, le personnage central décide de s’en accommoder et d’en tirer profit. Mais ça n’est pas simple et quand on accumule les ennemis, rien n’est évident.

Nous sommes résolument dans le roman noir des années 30 où un homme tente de survivre au milieu de la corruption et des collusions diverses. Cette fois le recours à la violence est la solution envisagée, dans une société qui en use abondamment. Le romancier ne nous la présentant pas comme un plaisir mais bien comme la source de bien des peurs.

C’est l’histoire d’un individualiste forcené, délinquant diplômé, qui tente de parvenir à ses fins, son confort personnel, coûte que coûte. Dans une ville, un pays, où l’individualisme est la valeur qui prime. Pour réussir dans son entreprise, son parcours va d’une police corrompue à une religion qui n’en a que le nom pour ensuite aller du côté d’une industrie toute puissante, en passant par une justice trop absente. Bref, tous les pouvoirs…

Mais malgré tous ses efforts, on sait que l’édifice est fragile. La peur habite Cotter en permanence, tout comme la folie, une folie violente, destructrice et particulièrement antipathique.

 

Après un roman désabusé mais moins amer, McCoy est revenu à ce qui a fait l’essence du roman noir, un constat sans concession sur une société gangrénée par cet individualisme qui va mener à un libéralisme décomplexé, détaché de tout humanisme, de toute humanité.

 

Le roman suivant de l’auteur revient lorgner du côté d’une littérature moins dérangeante. Ce sera Le scalpel. Une histoire qui aborde une nouvelle fois une société décrite à travers une ville et un homme qui tente d’y survivre.

8 réflexions sur “Horace McCoy, évasion et réinsertion pour Ralph Cotter

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    • Pas sûr mais j’y crois…
      Etant données les traductions des romans précédents par Marcel Duhamel pour des collections moins sombres que celles que l’on connaît et le respect qu’il a semblé montrer à ce moment-là (peut-être exigé par les commanditaires), j’ose penser qu’il a continué sur cette lancée.
      Il me semble que les traductions initiales n’ont pas été remises en cause, alors du coup, j’extrapole. Peut-être trop ?
      Amitiés.

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