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Benjamin Whitmer, Mopar Horn et Jim Cavey autour d’Old Lonesome

En 2018, il y a quelques mois, est paru le troisième roman de Benjamin Whitmer. Son titre original est Old Lonesome mais il n’a pas encore été publié outre-Atlantique. Traduit par Jacques Mailhos pour les éditions Gallmeister, il est devenu Evasion et nous arrive trois ans après le précédent, Cry Father.

Réveillon du Nouvel An dans le Colorado, 1968.

Des matons et des détenus sont chez Pearl. Ils y sont cachés, car les détenus se sont évadés et les matons sont devenus leurs prisonniers. Ils ne sont pas loin de la prison, Evasion (Gallmeister, 2018)l’évasion vient juste d’avoir lieu. Etant donné le nombre qu’ils étaient, ils se sont séparés. Il y a chez Pearl, outre Mopar, Bad News, Wesley Warrington et Mitch Howard. Il s’agit de trouver de nouvelles fringues puis de s’éloigner dans la tempête de neige qui s’est abattu sur la ville. Si possible en voiture.

Jim Cavey rentre chez lui. A pied, comme d’habitude. Il a entendu la sirène, celle qui signale les évasions mais il n’a pas changé pour autant son programme. Sa journée est finie, il rentre chez lui. Très vite, il entend une voiture dans son dos, le coupé Chrysler du directeur adjoint, Adam Bellingham. Il ne peut faire autrement que monter dans l’auto. Comme à chaque fois, tous les matons sont réquisitionnés pour la chasse à l’homme qui s’engage et Jim est sûrement le plus doué d’entre eux pour traquer. Même dans le blizzard.

L’événement mobilise d’autres personnes, deux journalistes du Rocky Mountain News, Stanley Hartford et Garrett Milligan, la cousine de Mopar, Dayton et, bien sûr, la police et les matons commandés par le directeur Jugg.

Au milieu de la tempête, les uns tentent de fuir les autres. La traque s’organise et s’annonce, comme à chaque fois, sans pitié, violente.

Le seul moyen de communication, ou presque, est la radio locale. Le directeur Jugg l’a réquisitionnée pour informer la population et guider ses troupes. Les chasseurs d’hommes ont toute latitude pour agir, avec autorisation de tirer si besoin est…

Alors qu’ils parcourent les alentours, la forêt, d’une maison à une autre, les uns et les autres se souviennent du passé plus ou moins récent, de ce qui les a amené jusque là. La météo domine tous les choix, la neige oblige à la prudence, domine les mécaniques et cloitre les gens chez eux.

C’est dans cette atmosphère que s’affrontent des hommes, on finit par se demander lesquels sont les plus sauvages, les plus meurtriers. Les évadés ne se font pas de cadeau, c’est chacun pour sa peau. Les matons ont la gâchette facile et le soutien de leur chef en cas de réaction excessive. Et la population est prête à tout pour que tout rentre dans l’ordre.

Deux hommes dénotent, Mopar Horn et Jim Cavey. Horn a été surnommé le petit Dillinger par des journalistes et a un certain soutien de la population, celui qu’il a tué n’était pas vraiment aimé, ni aimable. Il n’a pas vraiment envie de partir, de quitter cette ville qu’on ne peut jamais vraiment quitter.

Quand on ne trouve rien d’autre à faire, on roule. C’est ça, la vie, dans cette ville. On roule pour se laisser croire qu’on peut partir. On se dit qu’on pourrait juste faire tourner la grande roue et filer vers Denver, Cheyenne ou Las Vegas à n’importe quel moment. Personne ne le fait jamais. Et même si vous le faisiez, vous finiriez par revenir de toute façon.

Jim Cavey est maton sans conviction parce qu’il faut vivre. Il vit comme un paria, en marge, et n’est pas apprécié de ses collègues, trop différent, trop singulier. Il a le don de comprendre ceux qui fuient, peut-être un don qui lui vient de son enfance, de ce qu’il a subi ou de ce qu’il subi encore.

Une femme essaie de sauver Mopar, Dayton, parce qu’il est son cousin et qu’elle se sent proche de lui. Elle est en même temps proche de Cavey, de ce qu’elle comprend de lui.

Benjamin Whitmer nous offre un roman différent des deux précédents. Même si c’est à nouveau une histoire d’hommes perdus. Au milieu d’une tempête mais également parmi leurs semblables. Une histoire d’hommes qui ne sont pas à leur place parmi les autres. Cette fois, ils subissent la violence, tachant de faire avec, et voudraient juste vivre loin de la société.

Nous ne suivons l’action que le temps de la traque et de la fuite. Le temps d’une nuit, d’une tempête. Ça suffit pour nous donner une vision particulièrement pessimiste des hommes et de leurs instincts.

De nouveau, le romancier ne fait pas l’économie de la violence à fleur de peau ou enfouie en chaque homme ou presque.

Il y a toujours dans son style la recherche de la poésie, l’envie de contempler, impossible à satisfaire. Une frustration que vivent ses personnages.

Nous avons déjà lu des histoires d’évasion, chez Horace McCoy ou David Goodis, dans le blizzard, chez Craig Johnson, et celle-ci, comme les autres, a une petite musique qui ne trompe pas, celle d’un auteur.

En trois romans, Benjamin Whitmer a installé sa vision du monde, mis sur le devant de la scène les marginaux, ceux qui n’ont rien demandé et à qui la société ne laisse aucune place.

Ce monde n’est pas fait pour que vous vous en évadiez. Ce monde est fait pour tenir votre cœur captif le temps qu’il faut pour le broyer.

Il ne nous reste plus qu’à attendre les suivants.

8 réflexions sur “Benjamin Whitmer, Mopar Horn et Jim Cavey autour d’Old Lonesome

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