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Andrée A. Michaud, Marie Saintonge et Richard Dubois affrontent les intempéries sur le Massif Bleu

En 2019 paraît le douzième roman d’Andrée A. Michaud, deux ans après Routes secondaires. Il s’intitule Tempêtes et traverse l’Atlantique, des éditions Québec Amérique aux éditions Rivages, l’année suivante.

En plein blizzard, un homme épie l’habitante d’une maison depuis la forêt qui l’entoure. C’est du moins ce qu’il semble à cette occupante, dans cette environnement aveuglant et assourdissant.
Marie Saintonge est arrivée dans la maison de son oncle juste avant que ne se déclenche la tempête de neige annoncée et devant durer plusieurs jours. Elle s’est décidée à venir quand elle a appris qu’elle en était l’héritière à la suite du suicide de ce dernier. Il était venu la voir en ville pour lui en parler et la pousser à s’y installer. Elle n’avait alors pas compris ce qui trottait dans la tête d’Adrien, cette chute depuis la falaise au Loup.
Alors que le vent se déchaîne et que la visibilité si basse laisse la place à toutes les interprétations, tous les mirages, Marie voit un homme tourner autour de son habitation, un homme de glace ou de glaise. Bientôt, un autre homme, de chair et d’os, frappe à sa porte. Vue la météo, elle ne peut que le recueillir. Il ne sait pas qui il est et repart pour revenir plusieurs heures plus tard.
Pendant ce temps, l’isolement ne laisse à Marie que la possibilité de cogiter, d’affronter ses angoisses ou d’essayer de les vaincre à coup de vin ou d’alcool plus fort. La montagne gronde, jouant ce qui pourrait être une symphonie, elle a sa propre musique. La folie n’est pas loin dans cette bâtisse dont une partie est en travaux, laissant le vent siffler, souffler à travers les bâches calfeutrant les ouvertures. Les seules nouvelles de l’extérieur parviennent grâce à la radio, des hommes disparaissent, dont un certain Frank Fréchette, celui qui a pris soin de la maison avant son arrivée. Frank, prénom qu’elle décide de donner à l’amnésique, dont elle a peur, prête à s’en défendre les armes à la main, l’enfermant dans sa chambre pour ne plus le croiser.
Explorant la maison, Marie tente de se l’approprier, laissant traîner ses habits ici et là, les bouteilles là où elle les pose, trouvant de la peinture noire et créant une fresque sur le mur avec ces bonhommes bâtons qu’elle rencontre partout depuis son arrivée, sur un carton invitant à « manipuler avec précaution », gravés dans la cave…
Le blizzard laisse tous les cauchemars prendre vie, incitant à la violence, seule solution pour affronter la peur, l’horreur. Mais elle se produit quand même…
Après le blizzard, le temps perd toute consistance pour Marie, s’étirant jusqu’à l’été sans qu’elle s’en aperçoive. Jusqu’à ce que les événements de l’hiver la rattrape.

C’est à l’été qu’arrive Richard Dubois dans le Massif Bleu, que Marie avait renommé Cold Mountain. Il a loué une caravane dans le camping des Chutes rouges à la suite du suicide de Chris Julian. Il l’a découvert flottant dans sa piscine, une partie de la tête emportée par la balle qu’il s’est tiré. Richard était au service de Julian, ils avaient rendez-vous pour parler du dernier manuscrit de celui-ci. Julian a engagé Ric pour la partie production et vente de ses romans, il les apporte à l’éditeur et passe pour l’auteur auprès de ce dernier puis des médias. Mais là, le manuscrit est inachevé et, après avoir obtenu un à-valoir de son éditeur, il a décidé de se rendre sur les lieux de la dernière histoire inventée par Julian, pour en finir la rédaction.
Dans le snack de Fall-Jonction où Marie avait déjà effectué sa dernière halte avant l’isolement, il entend parler des disparitions de l’hiver, de la tempête qui approche. Arrivé au camping, la montagne gronde et il comprend que les tempêtes qui s’y succèdent en été vont cette fois-ci engendrer des drames. Ceux que Julian a imaginés, ou d’autres qui viendront compléter l’histoire en cours.

Les intempéries ont toujours eu une grande place dans les romans d’Andrée A. Michaud, elle se décide ici à en faire l’élément déclencheur de tous les drames, de la folie et de la violence qui se déchaînent autant que la météo dans cette montagne à la musique si singulière. La réalité et l’imagination se mêlent, s’emmêlent, embrouillent les esprits des deux personnages principaux.
Ce Tempêtes est un peu un prolongement du roman précédent. Michaud mêle désormais le roman noir à l’épouvante et à une certaine horreur. La nature, toujours très présente dans les livres de l’auteure, de la plage de La Fille de Sath à la forêt de Routes secondaires, en passant par les lacs de Bondrée ou Mirror Lake, les rivières du Pendu de Trempes et de Rivière tremblante ou la montagne qui surplombe l’intrigue de Lazy Bird, cette nature, donc, devient véritablement, explicitement, un personnage. Tout comme la météo qui avait toujours eu son importance jusqu’ici, mais plutôt comme personnage secondaire.
La nature domine les esprits.
Michaud nous offre un roman exigeant, avec une première partie, celle de Marie Saintonge, qui demande un effort, une deuxième partie, celle de Richard Dubois, plus abordable mais qui finit par rejoindre la première. Comme elle l’avait fait dans le roman précédent, la romancière gomme la limite entre la fiction et la réalité. L’imagination des personnages, la fiction de Chris Julian et la réalité imaginée par Michaud se mélangent, se confondent, s’entrecroisent.

L’évolution amorcée avec Routes secondaires se poursuit ici. Andrée A. Michaud a entamé un travail en profondeur, comme celui qui l’avait amené au roman noir. Il nous faudra patienter et attendre ses prochains romans pour voir où cela l’amène, où elle nous entraîne.

3 réflexions sur “Andrée A. Michaud, Marie Saintonge et Richard Dubois affrontent les intempéries sur le Massif Bleu

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