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James Salter, Rand et les sommets autour de Chamonix

En 1979 paraît, chez Little, Brown and Company, le cinquième roman de James Salter, Solo Faces. Quatre ans après le précédent, Un bonheur parfait. C’est en fait un scénario devenu roman, un scénario au départ destiné à Robert Redford avec lequel Salter avait travaillé sur Downhill Racer. Mais cela ne se ressent pas, le travail du romancier ayant gommé l’aspect cinématographique, sa prose ayant donné une autre dimension à son personnage central. Il s’agit du premier traduit dans notre langue, en 1981. Sous la plume d’Antoine Deseix, il devient L’homme des hautes solitudes.

Rand travaille sur un chantier, la rénovation du toit d’une église. Un chantier à quelques dizaines de mètres du sol. Nous sommes en Californie et Rand est un homme en marge, un homme qui se cherche. Il vit chez Louise. Partage son lit après n’avoir été qu’hébergé.

L'homme des hautes solitudes (Denoël, 1979)Un jour, tôt le matin, il réveille Lane, le fils de celle-ci, et l’emmène en excursion. La voiture les conduit loin de Los Angeles, traversant des paysages changeants, jusqu’au pied de ce qui s’avère être une course de montagne, avec escalade en prime. Au sommet de leur parcours, ils rencontrent Cabot, une connaissance de Rand, qui lui parle de l’Europe et de Chamonix où il invite Rand à se rendre.

Quelques semaines plus tard, Rand succombe à la tentation, à l’appel des sommets alpins et part pour l’Europe. Pour Chamonix, plus précisément. Logeant d’abord dans des chambres de location, il se lance dans quelques excursions. La première qui fait parler de lui est celle du Frêney dont il revient après plusieurs jours et s’être fait piéger par un orage. L’expérience rentre. A la fin de cette première saison, il décide de rester à Chamonix. Seul parmi les alpinistes venus là. La saison suivante, ses moyens s’amenuisant, il passe d’une chambre à une autre puis à une tente. Jack Cabot et sa femme Carol le rejoignent alors. Après quelques tentatives, quelques hésitations, ils se lancent à l’assaut des Drus. Par une nouvelle voie. A leur retour, après une ascension épique au cours de laquelle Cabot a failli y rester, ils font parler d’eux. Leurs chemins continuent en parallèle, Rand choisissant différents partenaires puis s’en passant, tachant de se faire oublier, Cabot décidant de profiter de cette renommée naissante pour se faire connaître. Alors que les autres partent de nouveau, Rand reste encore et toujours à Chamonix, se liant avec Catherine, une fille du coin, avec laquelle il emménage.

Rand est un jusqu’au-boutiste, un solitaire, qui vit sa passion autant qu’il le peu, bravant les intempéries, s’en accommodant autant que possible. Il adopte toutes les variables, s’en imprègne, s’y renforce.

C’est un roman calme comme son héro, un roman en dehors du monde, à sa lisière, observant les semblables de l’alpiniste, qui ne le sont peut-être pas, ses semblables, juste des humains. Loin de sommets. C’est un homme qui ne se met pas en avant, qui affronte ses peurs, ses doutes. Qui ne parle que peu. Prêt à sacrifier sa vie dans la vallée pour tutoyer les sommets.

C’est un superbe roman que ce roman de Salter. Un roman d’une grande compassion, d’une grande humanité, face à un homme qui ne sait pas trop ce qu’il veut et qui vit pleinement sa volonté d’affronter ces parois de pierre, parfois glacées, frappées par des trombes d’eau. C’est un superbe roman qui m’a rappelé un autre roman, graphique celui-là, l’adaptation de Jirô Taniguchi intitulée Le sommet des Dieux.

C’est un grand roman, celui d’un grand auteur dont il faut lire la prose, trop rare. Dont il faut lire le style si pur, si ciselé. Dont il faut lire les romans, celui-ci étant l’un de ses derniers puisqu’il s’est ensuite plus intéressé à la poésie ou à une forme de fiction plus courte, la nouvelle.

Après cette Homme des Hautes Solitudes, James Salter a signé une autobiographie, Une vie à brûler, avant un dernier roman quelques trente ans plus tard, Et rien d’autre.

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